Cette véritable légende vivante, fut la première femme à occuper ce poste et continue de veiller sur la destinée des rhums de la vallée de Nassau depuis 1997.
Fabien Humbert : Appleton existe depuis le 18ème siècle, comment vous inscrivez-vous dans cette longue histoire?
Joy Spence : En tant que master blender d’Appleton Estate, j’ai l’occasion de perpétuer notre tradition de fabrication de rhum. L’un des honneurs de mon rôle est de superviser étroitement notre production, en veillant à ce que chaque édition que nous partageons avec les amateurs et les collectionneurs soit réalisée dans le respect des normes de production les plus strictes.
Faisant partie d’Appleton Estate depuis 40 ans maintenant, j’ai eu le plaisir et le privilège de poursuivre le travail de mon prédécesseur et de laisser ma propre marque sur nos rhums.
FH : D’où vous vient votre vocation professionnelle?
JS : À l’âge de 13 ans, j’ai été inspiré par un professeur de chimie que j’aimais beaucoup, je suis tombé amoureuse de cette matière et j’ai décidé de devenir enseignante et scientifique.
Après avoir obtenu une licence en sciences à l’université des West Indies, j’ai rejoint la faculté du Jamaica’s College of Arts Science and Technology (aujourd’hui l’université de technologie) en 1975 en tant que professeur de chimie. J’ai ensuite obtenu une maîtrise en chimie analytique à l’université de Loughborough, à Londres.
FH : Auprès de qui avez-vous appris le métier de master blender ?
JS : Après avoir obtenu mon diplôme, je suis retourné en Jamaïque pour enseigner. En 1979, j’ai quitté le monde universitaire pour le secteur privé et deux ans plus tard, j’ai rejoint Appleton Estate.
En tant que chimiste en chef, j’ai travaillé en étroite collaboration avec Owen Tulloch, alors maître assembleur d’Appleton Estate. Sous son mentorat, j’ai découvert une passion pour la distillation et l’assemblage, affinant mes talents artistiques et mes compétences scientifiques. Après avoir occupé une série de postes clés, j’ai été nommée maître assembleur en 1997, devenant ainsi la première femme à occuper ce poste.
Et aujourd’hui je peux compter sur le soutien et l’expertise de David Morrison, que j’ai trié sur le volet et nommé Senior Blender d’Appleton Estate en 2003.
FH : Selon vous, quel a été votre apport majeur pour le rhum en général et les rhums Appleton en particulier ?
JS : Je pense que mon plus grand accomplissement dans l’industrie du rhum a été d’être la première femme nommée Master Blender. L’industrie est dominée par les hommes, et j’ai pu ouvrir les portes à d’autres femmes.
Cela porte ses fruits aujourd’hui, mais je pense que nous pourrions faire plus de bruit et clamer que les métiers du rhum sont ouverts aux femmes. En tant que femme dans l’industrie du rhum, j’ai dû relever de nombreux défis. J’ai dû travailler plus dur pour être reconnue et j’ai fait l’expérience du chauvinisme dans certains domaines.
Pendant un certain temps, j’ai ouvert la voie à d’autres femmes et je devais donc m’assurer que je réussissais. Le secteur devrait faire savoir qu’il n’y a pas de barrières entre les sexes dans le monde du mélange.