Avec son spiritueux farouchement artisanal, le Cap-Vert est apparu depuis quelques années sur la carte mondiale du rhum. Et le grogue ou grogú est en train de conquérir le cœur des amateurs et des amatrices de rhums de pur jus de canne un peu bruts.
Et si le Cap-Vert était le nouvel Haïti ? Pour le dire autrement, et si le grogue était le nouveau clairin ? Largement inconnu hors des frontières de cet archipel situé au large des côtes africaines (500 km à l’ouest du Sénégal) il y a une dizaine d’années, l’alcool identitaire des Capverdiens est en train de se tailler une belle réputation à l’international. Certains le comparent même au rhum des origines. « Au Cap-Vert, le grogue est produit avec des méthodes, des outils et des variétés de cannes qui n’ont pas bougé depuis des centaines d’années », explique Guillaume Ferroni, qui importe et distribue le grogue Vulcão. Jugez plutôt.
Les cannes à sucre sont indigènes et n’ont pas connu d’hybridation extérieure depuis fort longtemps, elles sont cultivées en terrasse, ce qui exclut l’emploi de machines et ce sans pesticides. Tous les travaux des champs, de la plantation au transport des cannes coupées en passant par la découpe elle-même se font donc à la force de l’être humain ou d’animaux.
Les cannes sont pressées dans de vieux moulins motorisés à essence, quand ce ne sont pas encore des bœufs qui actionnent le pressoir. Le jus de canne fermenté plus d’une semaine grâce à des levures indigènes est ensuite distillé dans des alambics à repasse antiques partiellement en métal, voire archaïques, en pierre et en bois, chauffés au feu de bois… Le tout reposant ensuite dans des dames-jeannes, très rarement dans des fûts de chêne.
Il en ressort des eaux-de-vie qui rappellent un peu les rhums blancs agricoles des Antilles, voire les cachaças artisanales et aussi les clairins haïtiens, avec un côté sauvage, brut, mais aussi une grande complexité. De quoi attiser l’intérêt des geeks du rhum, toujours à l’affût de nouveautés, et perpétuellement à la recherche du rhum le plus roots possible.
Le grogue est-il plus ancien que le rhum ?
Mais au fait, comment expliquer que le grogue du Cap-Vert soit ainsi resté dans son jus ? Les Portugais furent les premiers Européens à y poser le pied et à s’y installer entre 1456 et 1462. Comme dans les Caraïbes à la même époque, les colons plantèrent de la canne à sucre dès 1490 et firent venir de force des esclaves pour travailler dans leurs plantations. Le Cap-Vert fut d’ailleurs un des maillons du sinistrement célèbre commerce triangulaire.