Chez Longueteau le rhum ne cache plus les forêts

La maison guadeloupéenne Longueteau avait fait sensation au dernier Rhum Fest en présentant 3 rhums d’un genre nouveau, réunis sous la bannière de la collection de “La forêt”. Mais ce que la marque de Capesterre-Belle-Eau ne nous avait pas dit, c’est que la collection était en fait constituée de 4 rhums !

François Longueteau

De quoi “La forêt” est-elle le nom ? Un rhum de 2016 issu de cannes rouges et bleues a passé 4 ans dans des fûts d’ex-cognac. Les fûts ont ensuite été réassemblés pour homogénéiser le lot et le rhum a été laissé 2 ans dans 4 types de fûts issus de chênes de 150 ans ayant poussé dans 4 forêts différentes : Tronçais en Auvergne, Cîteaux en Bourgogne, Darney en Lorraine et Russy dans le Centre (le petit ‘nouveau’). Des chênes qui une fois découpés, ont passé 30 mois dans la méandrie, et sur lesquels on a pratiqué la même chauffe (moyenne à longue). Et au final cela donne 4 rhums de 6 ans distincts les uns des autres : Tronçais, Cîteaux, Darney et Russy. Quant au but de ce processus assez unique : prouver que différentes origines ou terroirs de forêt apportent des arômes différents au rhum.

Explications avec François Longueteau himself.

La collection de la Forêt comprend en fait 4 expressions, et non 3, pourquoi ne pas toutes les avoir présentées lors du Rhum Fest début avril ?

François Longueteau : Au Rhum Fest, nous avons présenté Tronçais (en Auvergne), Cîteaux (en Bourgogne) et Darney (en Lorraine), mais il y en a un 4e, un rhum qui a séjourné dans des fûts dont le bois est issu de la forêt de Russy dans le Centre (près de Chambord).

Mais vu le contexte international et la proximité du nom avec la “Russie”, je ne voulais pas qu’il y ait de confusion dans l’esprit du public du salon. Voilà pourquoi nous ne communiquons qu’aujourd’hui sur la totalité des expressions de la gamme La forêt. De plus, alors que nous pensions sortir les 4 expressions de la forêt séparément, nous allons les commercialiser toutes les quatre, en coffret, dans des bouteilles de 30 ou 35 cl.

Longueteau

FH : Comme son nom l’indique, cette collection insiste sur le bois. Pourquoi ?

FL : Plus que le bois, ce qui est important dans ces rhums, c’est la forêt elle-même. En fonction de l’origine géographique de la forêt dont est issu le bois qui a façonné le fûts où il aura vieilli, le rhum n’aura pas la même personnalité, ni les mêmes arômes.

FH : Comment expliquer l’impact de l’origine géographique de la forêt sur le rhum ?

FL : D’abord il faut redire que c’est bien le même rhum qui a séjourné dans des fûts issus de 4 forêts différentes. Ensuite, l’écosystème, la structure du sol, le climat… Tout ceci va donner des forêts, donc des chênes différents selon qu’ils se trouvent en Auvergne, en Bourgogne, dans le Centre ou en Lorraine.

Après il faut rester humbles. Notre tonnelier Quintessence travaille depuis 20 ans sur ces arbres, qui ont 150 ans. Sur les nombreux points d’analyses du sol qui ont été mesurés, nous n’avons pu tirer que quelques certitudes, c’est -à -dire que l’acidité et l’humidité vont avoir une influence sur l’activité biologique.

Le terroir, soit la faune, la flore, les insectes, les champignons, la mousse, une terre plus ou moins compacte ou aérée… sera différent.

FH : Ça me rappelle la définition du terroir dans la vigne.


FL : Oui, nous avons voulu montrer l’influence du terroir d’une forêt sur le rhum. Le terroir de chaque forêt étant différent, les chênes vont se développer de façon distincte et donc cela va avoir une influence sur le grain. Nous parlons ici de choses assez microscopiques.

Les quatre rhums que nous allons sortir dans la collection La forêt ont séjourné dans des fûts en grains fins. Et nous avons pu constater avec notre tonnelier, que les grains vont plus ou moins s’ouvrir en fonction de l’acidité, de l’humidité et donc de l’activité biologique.

Longueteau

FH : Quel est l’impact de l’activité biologique sur le terroir et donc le rhum ?

FL : Plus l’activité biologique est faible (ce qui est dû à une acidité forte et une humidité faible), plus le sol sera compact sur les 1 à 3 mètres où les racines du chêne se développent. Les insectes, les bactéries et les moisissures… ont peu de place pour se développer. Cela donne des chênes avec un grain très fin et serré.

Plus le grain est fin, plus le rhum coulera dessus, sera fluide et va acquérir des notes fruitées. C’est le cas de la forêt du Tronçais. Et plus le grain sera ouvert, plus le rhum sera en contact avec le bois, via des micro-canules et plus le rhum sera tannique et étoffé. C’est le cas de Citeaux.

FH : Et quand pourrons-nous mettre la main sur la collection La forêt ?

FL : La collection devrait sortir début 2023. Nous allons d’ailleurs bientôt stopper le vieillissement, en particulier du rhum Cîteaux, et les passer en Dame Jeanne.