Nommé meilleur barman dans le monde du rhum par l’International Rum Congress de Madrid en 2016, Nando est un papa attentionné et l’organisateur du Kontiki Lima Tiki Fest, le premier festival Tiki d’Amérique latine. Basé à Lima, Nando nous a accueillis dans son atelier de l’école Coctelstudio où nous avons échangé sur le passé, le présent et l’avenir du rhum non seulement au Pérou mais partout en Amérique Latine. Et Nando ne prédit que des bonnes choses pour notre spiritueux favori !
Rumporter : Nando, en 2016 vous avez été nommé meilleur barman du monde du rhum par la International Rum Congress de Madrid, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
NC : Chaque nomination motive, surtout quand elle provient d’une organisation aussi prestigieuse que l’IRC de Madrid. Y prétendre sans l’avoir demandé est super gratifiant mais confère aussi beaucoup de responsabilités, puisque d’un coup vous devez assumer un rôle important sur la scène rhum. D’un autre côté, cela ouvre en grand des tonnes de portes pour se rapprocher davantage de la fameuse « Rum Family » et des marques. Aujourd’hui encore, des portes s’ouvrent. J’ai récemment commencé à travailler comme ambassadeur de Botran au Pérou.
Rumporter : Depuis quelques années, la gastronomie péruvienne se distingue comme l’une des meilleures au monde et sans aucun doute l’un de ses principaux atouts est le pisco. Que fait un Péruvien dans le monde du rhum ?
NC : En fait, je suis très engagé dans le développement, la promotion et l’éducation du pisco, mais il y a des problèmes internes et commerciaux que je ne partage pas. Je participe activement chaque fois que je peux. Nul n’est prophète en son pays… Il y a beaucoup d’initiatives qui malheureusement restent à l’état de discussion… Il y a trop de différents entre les marques. Ceci-dit, au Pérou, on ne produit pas seulement du raisin pour le pisco. En effet, dans le nord du pays et en bordure de forêt, on produit beaucoup de canne à sucre. Et la production augmente, contrairement à celle du pisco qui est plutôt sur le déclin. En effet de nombreux agriculteurs choisissent de cultiver des fruits qui sont plus rentables pour la subsistance de leurs familles. En ce qui concerne la canne à sucre, étant un pays producteur, il y a beaucoup de consommation domestique et actuellement, il y a des mouvements pour récupérer les distillats traditionnels et ancestraux, comme à Huánuco ou Cuzco, où l’eau-de-vie de canne est redistillée pour améliorer le profil du produit.
Le Pérou produit de bons rhums, nous avons des marques comme Cartavio et Millonario qui ont une certaine reconnaissance internationale et d’autres comme Pomalca qui ciblent un segment plus populaire. A Lambayeque, on produit un rhum de type agricole, appelé « Estrella del Norte ». En tant que Péruvien, je défends le pisco mais je porte une grande dévotion au rhum depuis mes débuts de consommateur et de bartender.
Rumporter : Comment as-tu atterri dans le monde du bar ?
NC : J’ai débuté dans le monde du bar dès l’âge de 19 ans, cherchant alors un emploi pour aider mes parents à payer l’université; mes premiers cocktails étaient des bocaux de Cuba Libre et de sangria car je travaillais dans une boîte de nuit… j’avais juste à savoir comment mélanger le rhum avec le Coca car c’était ce que nous buvions dans le coin ou chez mes amis du quartier. Mais après avoir travaillé quelques temps au bar et au vu des opportunités de développement dans ce milieu, j’ai décidé de quitter mes études de dentiste pour devenir barman professionnel. Et ce n’était pas une décision difficile. Très vite j’ai commencé à étudier la mixologie, j’ai tout simplement commencé avec des cours par correspondance sur Internet.
Mon travail de fin d’étude portait sur le rhum et c’est certainement ce qui a déclenché mon intérêt pour la catégorie, et aussi pour Cuba et l’apport des cocteleros cubains dans le monde : ses bars emblématiques, son apogée durant la Prohibition, le Daiquiri et le Mojito…
Plus tard, grâce à Havana Club et le groupe d’hôtel Palmares à Cuba, un professeur de cocktail est arrivé au Pérou dans le but de former un groupe de barmen à la production de cocktails cubains et aux processus de fabrication du rhum. Maintenant j’inclus la communication, le développement et l’éducation du rhum dans mes ateliers Coctelstudio bartending au Kontiki Lima Tiki Fest et mon émission quotidienne l’héritage de la maison Botran.
« Il est possible que la prochaine étape consiste pour les barmen à explorer la création de leurs propres marques »
Rumporter : Aujourd’hui, nous voyons qu’il y a deux tendances bien distinctes dans la mixologie : il y a ceux qui se concentrent sur la sauvegarde des cocktails classiques et ceux qui cherchent à innover vers de nouvelles saveurs et de nouvelles recettes. Comment définissez-vous vos cocktails, plus classiques ou plus innovants? Au moins en Europe, la tendance est que pratiquement chaque bar a ses propres bitters, sirops et liqueurs faits maison. Est-ce que la même chose se passe dans l’Amérique Latine ?
NC : Les cocktails classiques doivent être respectés autant que possible. Vous pouvez toujours varier en donnant une touche personnelle à une technique ou modifier sa composition mais sans déformer l’essence du cocktail. Je pense que dans les bars de la région vous trouverez tout, le marché est en croissance et je peux dire qu’après la vague actuelle de bartenders argentins, rapidement, le Pérou aura une grande influence parmi les barmen de la région.