Un point pour Bacardi dans saga judiciaire autour de Havana Club aux USA

Avec la signature de la loi No Stolen Trademarks Honored in America Act, H.R. 1505, le président Joe Biden affaibli les prétentions de Pernod Ricard et du gouvernement cubain sur la marque Havana Club aux USA (seul pays à les contester). Réactions et chronologie.

Havana Club

Nouvel épisode dans la bataille juridique qui oppose Bacardi d’un côté et le gouvernement cubain et le groupe français Havana Club de l’autre, autour des droits de la marque Havana Club.

Le président américain en exercice Joe Biden vient de signer une loi (No Stolen Trademarks Honored in America Act, H.R. 1505) interdisant la reconnaissance des marques “confisquées” par le gouvernement cubain.

C’est donc une victoire à mettre au crédit de Bacardi, qui combat juridiquement les droits qu’a Cubaexport sur depuis 1976. “Pernod Ricard exprime sa déception face à la récente promulgation de cette législation qui remet en question ses droits de longue date sur la marque Havana Club aux États-Unis – une marque que Pernod Ricard et son partenaire en coentreprise, Cubaexport, détiennent légitimement depuis 1976. Cette législation ne révoque pas immédiatement les droits actuels sur la marque Havana Club aux États-Unis, qui resteront sous la propriété de Cubaexport jusqu’à leur expiration en 2026. D’ici là, Pernod Ricard et Cubaexport envisagent toutes leurs options pour sauvegarder leurs droits.” a réagi le groupe français, qui a créé une co-entreprise avec le gouvernement cubain en 1993 : Havana Club International S.A (la 1re entreprise mixte de l’industrie agroalimentaire cubaine).

Avantage à Bacardi aux USA, à Pernod Ricard dans le reste du monde

Bacardi a acquis les droits commerciaux de Havana Club auprès de la famille Arechabala en 1994 et prétend détenir la recette originale mise au point par José Arechabala. Cependant si les rhums Havana Club de Bacardi pourraient être vendus aux USA, ils ne pourraient pas être produits à Cuba.

Du côté de Pernod Ricard on préfère mettre en avant le travail des maestros roneros dont le savoir-faire vient d’être reconnu comme patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO et le fait que leurs rhums Havana Clubs sont 100% cubain (matière première locale, distillation, et vieillissement sur place), et sont commercialisés partout dans le monde (125 pays)… sauf aux USA.

Havana Club

Et maintenant un petit rappel des différentes actions en justice qui ont émaillé les 50 dernières années autour de ce dossier.

1934 : José Arechabala S.A., établit la marque HAVANA CLUB et obtient l’enregistrement de la marque aux États-Unis.

1959 : La production des rhums Havana Club est nationalisée. La famille Arechabala fuit aux USA.

1973 : José Arechabala S.A., a laissé expirer sa marque américaine HAVANA CLUB en ne renouvelant pas l’enregistrement (le renouvellement était une simple formalité qui lui aurait coûté 25 USD).

1974 : Cubaexport demande l’enregistrement de la marque HAVANA CLUB auprès de l’Office américain des marques (USPTO).

1976 : L’USPTO accorde à CubaExport l’enregistrement de la marque Havana Club aux États-Unis pour une période de 20 ans (jusqu’en 1996) et, par conséquent, à partir de cette date, CubaExport devient le seul propriétaire légitime de la marque aux États-Unis.

1994 : Bacardi acquiert les droits commerciaux de Havana Club auprès de la famille Arechabala.

1996 : CubaExport demande et obtient le renouvellement de l’enregistrement de sa marque HAVANA CLUB pour une durée de 10 ans (jusqu’en 2006). Il convient de noter que la société cubaine CubaExport n’est propriétaire de la marque Havana Club qu’aux États-Unis ; dans le reste du monde, c’est Havana Club Holding S.A. (HCH – une société qui fait partie de l’entreprise commune) qui est propriétaire de la marque.

1998 : Adoption de la section 211 du Supplemental and Emergency Appropriations Act pour l’année fiscale 1999 (également appelée « Bacardi Act » parce qu’elle a été présentée aux autorités américaines par un avocat et conseiller de Bacardi), afin d’interdire la reconnaissance par les tribunaux américains des droits des entreprises cubaines sur les marques associées aux propriétés nationalisées et de subordonner le renouvellement de ces marques par leurs propriétaires légitimes à l’obtention d’une licence de l’OFAC.

1999 : Sur la base de la section 211, un tribunal de New York a rejeté les plaintes de HCH et HCI contre Bacardi fondées sur l’utilisation illégitime de la marque Havana Club qui violait leurs droits de propriété intellectuelle en vertu de certains traités internationaux.

2002 : L’organe d’appel de l’OMC a confirmé que la section 211 violait les règles de l’OMC. La décision confirme l’affirmation de l’UE selon laquelle la section 211 viole à la fois les obligations de traitement national et de traitement de la nation la plus favorisée de l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).

2006 : L’OFAC informe Cubaexport qu’elle a besoin d’une licence spécifique pour renouveler l’enregistrement de sa marque et refuse la licence. L’USPTO indique que l’enregistrement expirera s’il n’est pas renouvelé (l’OFAC a le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser des licences spécifiques telles que la licence requise par la section 211).

Octobre 2006 : CubaExport intente une action en justice contre l’OFAC devant la Cour fédérale du district de Columbia pour faire annuler sa décision de refuser la licence pour le renouvellement de sa marque.

2009 : Le tribunal rejette la demande de CubaExport et confirme le rejet de la licence. CubaExport fait appel de ce jugement.

2011 : La Cour d’appel confirme la décision du Tribunal fédéral de district de Columbia et confirme le refus de la licence. CubaExport demande que l’affaire soit portée devant la Cour suprême.

2012 : La Cour suprême rejette l’examen de l’affaire. L’affaire est close car tous les recours juridictionnels ont été épuisés. La marque devrait en principe être annulée par l’USPTO pour non-renouvellement.

2012-2016 : Toutefois, l’USPTO n’applique pas la décision d’annulation de la marque, qui reste la propriété de CubaExport aux États-Unis.

Janvier 2016 : l’OFAC accorde une licence spécifique à CubaExport pour renouveler l’enregistrement de la marque Havana Club.

Février 2016 : sur la base de cette licence, l’USPTO confirme l’enregistrement de la marque rétroactivement entre 2006 et 2016 et accorde le renouvellement de l’enregistrement pour une période supplémentaire de 10 ans jusqu’au 26 janvier 2026.

Décembre 2024 : Signature de la loi No Stolen Trademarks Honored in America Act, H.R. 1505.