Rencontre avec Jean-Marc Larhantec, fondateur de Hedonist Spirits. Ce Breton d’origine fait venir des rhums vieux de traditions anglaise où il les fait vieillir dans ses chais en Charentes. Là, ils acquièrent une nouvelle dimension grâce au fameux savoir-faire cognaçais de l’assemblage et du vieillissement.
Fabien Humbert : Comment l’aventure Hedonist Spirits a-t-elle commencé ?
Jean-Marc Larhantec : Comme mon nom l’indique, je suis d’origine bretonne, du Finistère pour être plus précis. Depuis mes 20 ans, j’étais amateur de rhums et de cognac. Rapidement j’ai fait mes propres blends en assemblant des références en ma possession… mais je ne travaillais pas dans les spiritueux.
J’avais une agence de création, je faisais des lancements de marque dans le secteur du luxe. Et puis j’ai commencé à faire goûter une liqueur de ma création, qui allait devenir Hedonist Cognac, dans des soirées organisées à l’agence. De fil en aiguille, des clients ont commencé à m’en commander et un jour Vuitton a demandé à en acheter pour un défilé… Bref, cela devenait une véritable activité annexe.
FH : Et la bascule vers le monde professionnel, comment s’est-elle opérée ?
JML : Au même moment, Alexandre Vingtier (rédacteur en chef de Rumporter Nlrd) m’a contacté pour participer au salon Cocktail Spirits. J’ai participé à un concours des innovations et on a terminé second.
Donc ça m’a motivé pour passer le cap de la professionnalisation. Le problème, c’est que je suis plutôt un entrepreneur et un créatif, je ne maîtrisais pas les codes de la distribution. J’ai dû apprendre sur le tas.
FH : Et comment êtes-vous passé du cognac au rhum ?
JML : En 2012, j’ai commencé à travailler à Cognac, et je m’y suis installé. Le rhum ? C’est parti de discussions avec mon voisin, des amis. A l’époque en 2013, Plantation commençait à pratiquer le double vieillissement en fûts. Cette vision, cette tradition cognaçaise, basée sur l’assemblage des eaux de vie, nous a plu.
FH : Et comment avez-vous appris à assembler les cognacs ou les rhums de façon professionnelle ?
JML : A la base je suis autodidacte, mais j’ai quand même fait mes classes auprès d’un maître de chai à Cognac Freddy Daviaud chez SVE-Distilleries de Chevanceaux à Saint-Palais de Négrignac
FH :Comment avez-vous choisi votre premier rhum pour la gamme Hee Joy ?
JML : Nous voulions dès le départ travailler des rhums vieux, en double vieillissement, dans la Caraïbe et en Charentes. Nous avons eu l’idée de lancer un vieux rhum épicé, et nous l’avons baptisé Hee Joy. A la base c’était un assemblage de rhums de Trinidad, Jamaïque et Guyana, avec une seule épice, le réglisse, et 20g de sucre par litre maximum.
En 2018, nous avons lancé des rhums de dégustation, avec notre Jamaïca 2008, un XO en Single cask. Puis nous sommes allés sur des VSOP… Et de nouveaux millésimes sont à venir sous peu.
FH :Vous travaillez donc exclusivement des rhums de mélasse ?
JML : Ce que nous recherchons dans nos rhums c’est l’équilibre. Je n’aime pas les rhums trop sucrés, mais j’apprécie dans les rhums traditionnels le côté soyeux, caramélisé, rond. J’adore les rhums agricoles, mais ils sont plus floraux, c’est moins ce que nous recherchons.
Nous avons plutôt des accointances avec les rhums de tradition anglaise, mais avec un savoir-faire français, à travers l’assemblage lorsqu’il s’agit de blends, à travers le sourcing, qui est essentiel, et à travers la partie vieillissement en Charentes.
Nos chais sont très stables en termes d’hygrométrie et de température. Contrairement à la Jamaïque où la part des anges est au-delà des 10%, en Charentes, elle est entre 6 et 8%. Sur la partie expertise, nous faisons aussi un gros travail sur la réduction. Car lorsque nous récupérons les rhums, ils sont bruts de fût et nous les amenons au degré voulu.
FH : Est-ce que le passage en fûts de cognac ne fait pas oublier le style des distilleries d’origine ?
JML : Non, nous essayons au contraire de le préserver. C’est pourquoi nous utilisons des fûts de cognac qui ont déjà tout donné après 20 ans de bons et loyaux service. Néanmoins nous nous sommes rendus compte que plus nos rhums séjournaient dans nos fûts, plus cela leur permettait d’exprimer leurs arômes et de gagner en douceur. Aujourd’hui tous nos rhums passent dans ces ex-fûts de cognac.
FH : Des incursions dans les aires françaises et espagnoles sont-elles à prévoir ?
JML : Nous avons racheté du stock de rhum colombien, toujours du rhum de mélasse. Nous sommes en train de travailler dessus.
FH : Et les finishs ?
JML : Non, notre ADN c’est de respecter le style des produits.
FH : Quel est votre réseau de distribution ?
JML : Le CHR, donc les cavistes et les bars, mais pas la grande distribution. Avec Olivier Vatrin mon directeur général et Julien Nau mon associé, nous avons développé une société de distribution ad hoc, qui s’appelle Le Cercle.
Nous distribuons nos produits, la liqueur Hedonist, Hee Joy rums, et Gun’s Bell Spiced Rum, ainsi que des marques d’amis : gin, whisky, vermouth, bourbons…
FH : Et qu’en est-il de Gun’s Bell Spiced Rum ?
JML : Nous l’avons développé pour un marché plus festif, afin de toucher les buveurs de Jack Daniel’s. Nous avons utilisé des fûts bousinés, brûlés, pour apporter une touche fumée en association avec un assemblage de rhums qui apportent un côté fruité et savoureux.
Comme pour Hee Joy, nous avons commencé avec un spiced vieilli. Ça a été un succès tout de suite, nous avons remporté des médailles d’or au Concours mondial de Bruxelles. Et nous allons lancer un nouveau rhum dans la gamme Gun’s Bell Spiced Rum bientôt.