De plus en plus de distilleries se mettent à produire des rhums, faits à partir de mélasse, importée certes, mais qui sont fermentés, distillés, vieillis et embouteillés dans l’Hexagone (ou en Corse). Une vraie tendance de fond, qui devrait dans les années à venir se poursuivre et s’amplifier.
Et si d’autres s’essaient à fabriquer du rhum à partir de sucre (panela, muscovado…) ou même de jus de canne congelé importé, les premières expériences de plantation de cannes à sucre sur le sol métropolitain sont en train de porter leurs fruits.
Ainsi Kevin Toussaint et Guillaume Ferroni ont-ils sorti leur premier rhum 100% hexagonal, tandis que les Corses de U Massicciu suivent la même voie. Au total, une trentaine de distilleries artisanales hexagonales distillent aujourd’hui du rhum sous différentes formes.
2022 restera sans doute comme une date clé dans l’histoire du rhum avec un grand H. C’est en effet cette année que les premiers rhums 100% métropolitains sont nés. Par 100% métropolitains, ou 100% hexagonaux, nous voulons dire que la matière première, la canne à sucre, a été cultivée localement, puis que son jus a été fermenté, distillé, mis au repos et embouteillé dans l’Hexagone.
L’exploit a été réalisé par Kevin Toussaint en partenariat avec Guillaume Ferroni (Maison Ferroni). 114 bouteilles de ce rhum de pur jus de canne ont vu le jour. Le résultat ? Un spiritueux marqué par des arômes herbacés et iodés, assez éloigné de ce qui peut se faire dans les DOM, mais bon tout de même.
Le côté herbacé s’expliquant aisément par le climat où les cannes autochtones ont poussé : le sud de la France, et plus précisément à Hyères, dans le Var (83). Rien d’étonnant quand on y pense.
La canne à sucre provient de l’océan Indien via la Chine, puis l’Inde, la Perse, et le monde arabe. Les Arabes conquièrent une partie de l’Europe du Sud à partir du 8e siècle, et plantent de la canne à sucre où ils s’établissent durablement (Sicile et Espagne). De là, la canne à sucre se fraie un chemin dans le Sud de la France.
“La variété ancienne de Hyères est cultivée dans les environs depuis le moyen-âge, au moins depuis le 15e siècle, explique Guillaume Ferroni. Des arrêtés royaux donnaient d’ailleurs le monopole de la culture de la canne à sucre à Hyères.” Mais avec l’apparition de la betterave à sucre sous Napoléon 1er, la culture de la canne du sud de la France périclite. Elle ne survivra que chez des collectionneurs, dans des serres, à l’INRA… ou dans le jardin du grand-père de Kévin Toussaint.
Des cannes à sucre dans le var…
Ce jeune horticulteur varois se met alors en tête de la replanter et de la cultiver dans le but de faire du rhum, et s’associe pour se faire à Guillaume Ferroni, qui lui produit déjà du rhum hexagonal, mais à partir de mélasse importée.
La première récolte se fait en décembre 2021 sur une surface de 300 m2. “Les cannes poussent et produisent du sucre du printemps jusqu’à décembre où on les récolte, juste avant les gelées, ensuite elles entrent en repos et le cycle recommence, explique Kévin Toussaint. Elles resteront environ 7 ou 8 ans avant qu’on les renouvelle, c’est une culture pérenne un peu comme un figuier.”
Le taux de Brix étant de 12,5°Bx en moyenne, ce qui est bas, mais pas tant que ça quand on sait que le minimum consigné dans le règlement de l’AOC Martinique est de 14. Comme il y a peu de cannes, et peu de Brix, les compères ont décidé d’utiliser la graminée presque dans son entièreté même les pointes gorgées d’eau, d’où une fois encore le côté végétal du produit fini, le rhum.