Bordeaux, ville de vin mais également haut lieu du rhum comme nous l’expose Matthieu Lange dans son article « Les dynamiques portuaires du rhum en France de 1854 aux années 1970 ». Rencontre avec Fabien Bouchereau, fondateur du Clos des Millésimes, une magnifique boutique, tant au niveau du cadre que des références, à deux pas de la cité du vin.
Rumporter : Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre cave ?
Fabien Bouchereau : Pour présenter la boutique, il faut avant tout que je me présente 🙂 Je m’appelle Fabien, j’ai 35 ans et je suis un grand amoureux de vins et de spiritueux, un passionné ! Dès l’âge de 17 ans je pars en lycée agro-viticole pour apprendre le métier de vigneron. Ça me plait tellement que j’ai fini mes études 8 ans plus tard avec tout ce qui est possible d’apprendre. Etudes finies en 2008, après 10 ans entre chai et vignoble, Clos des Millésimes est crée. Mon idée de départ était de proposer à un public d’amateurs, des vieux millésimes de Bordeaux et des spiritueux anciens.
En effet ma passion pour l’histoire et celle des vins et alcools se sont jointes car pour moi, un vin, un whisky ou un rhum c’est avant tout une histoire. L’histoire d’un lieu, d’une famille, d’un terroir, d’une idée, d’un millésime… Quelques années plus tard, après avoir vendu ces jolis flacons aux professionnels, j’ai eu pour souhait de les proposer aussi aux particuliers. C’est alors qu’est née cette jolie cave au cœur du quartier des Bassins à Flots à Bordeaux à quelques pas de la cité du vin.
R : Combien avez-vous de références en cave ?
FB : La cave référence près de 3000 produits : 2000 vins, 1000 spiritueux et quelques accessoires de dégustation et de service. A l’ouverture la passion du rhum n’était pas encore là et les spiritueux était peu présent (environ 100 références dont 8 de rhums…). Aujourd’hui j’en ai plus de 400 ! Ma limite est la place car après des travaux en début d’année pour créer un espace dédié aux rhums je ne peux plus pousser les murs 🙂 Mais il y a déjà de quoi satisfaire beaucoup de monde !
R : Quelles sont les références les plus vendues ?
FB : Chez moi les rhums les plus vendus sont les rhums agricoles. Neisson, La Favorite, Depaz, Longueteau, Montebello, Bielle sont les plus recherchés. L’ensemble des distilleries française sont représentés chez nous. Après ce sont les rhums jamaïcain avec Hampden , Foursquare et LongPond. Les rons hispaniques représente moins de 10% de nos ventes. Car nous avons une sélection très orientés amateurs.
R : Quels sont vos rhums préférés et pourquoi ?
FB : Personnellement, je suis très ouvert et j’aime beaucoup de produits. Ma passion a débuté toutefois avec les Blancs car j’adore la fraicheur de la canne. Constellation de Longueteau est peux être la bouteille où tout à commencé. Pour les blancs je suis très agricoles. Pour les vieux, j’aime la finesse des très vieux Bally, la grandeur des Libérations ou des bruts de fûts de Bielle comme le 1994 ou le 2002 et dans un autre style les Demerara avec en particuliers les millésimés Uitvlugt embouteillé par Velier. Mais il y a tellement d’autres…c’est aussi ça la grandeur du rhum, la capacité à toujours découvrir et à s’émouvoir de nouveau flacons.
R : Comment voyez-vous l’évolution du marché du rhum ?
FB : Me concernant, je suis qu’un passionné avec une vision restreinte car elle reflète uniquement une partie de la ville de Bordeaux. Le marché est bien présent et je pense qu’il y a de l’avenir dans le rhum car l’envie est là. Beaucoup de gens sont passionnés et aiment se retrouver pour échanger. Ma crainte est la montée en gamme trop rapide avec une envolée des prix qui se manifeste depuis déjà plusieurs années. Les taxes n’aidant pas en France il est à craindre qu’une partie des amateurs de rhums se détache à cause de ce facteur. Il y a une réelle réflexion à avoir pour la profession à ce sujet.
R : Qu’est-ce que vous évoque « rhum et développement durable » ?
FB : Le Rhum et le développement durable est inévitable. Comme partout d’ailleurs. Le travail réalisé par les frères de la côte est par exemple une superbe idée. La sélection est souvent top, le vieillissement dynamique apporte une vraie plus-value aux produits et il y a une jolie envie derrière en mettant à profit le savoir-faire des marins, de l’artisanat avec un impact bien plus faible pour l’environnement. Concernant le Bio, le travail réalisé chez Neisson et A1710 est prometteur. Je pense que cela sera indispensable pour les produits de qualités dans un très proche avenir.
R : La mention Bio sur un rhum est-il gage de qualité selon vous ?
FB : A mon sens, Bio n’est pas automatiquement signe de qualité. C’est un juste retour des choses avec une agriculture intelligente et une écoute de la nature et de ses besoins. Dans quelques années, la majorité des cultures seront en agriculture biologique et ce sera aussi le cas pour les plantations de cannes. Le gage de qualité est surtout celle du chef de culture et du maitre distillateur lorsqu’ils ont compris leurs terroirs, lorsqu’ils ont su « gérer » leurs alambics et leurs élevages. La qualité ce n’est pas un label, c’est un savoir-faire.
R : Les embouteilleurs indépendants se multiplient, vont-ils prendre plus de « place » dans les années à venir ?
FB : En effet il y a beaucoup (trop) et ce n’est pas facile pour nous caviste de tout découvrir 🙂 Il y a une réelle mode et je pense qu’il n’y a pas une semaine sans l’arrivée d’une nouvelle marque. L’intérêt de ces maisons et la sélection qui peuvent nous faire découvrir. La maison Velier a fait un coup de maitre en sortant il y a quelques années des vieux millésimes de chez Demerara. Sans lui, il n’est pas sûr que nous aurions pu gouter un jour à ces grands rums. Les frères de la côte avec le vieillissement dynamique réalisent des rhums aux profils très variés et passionnant. Idem avec Anthony et ses rhums Old Brothers. Là c’est passionnant et il y aura un réel avenir pour eux. Je suis moins optimiste sur les blends de mélasse de mauvais qualité assez sucré, souvent bien marquetés mais sans grand intérêt.
R : Quelle est votre plus belle rencontre dans le milieu du rhum ?
FB : La plus belle est la prochaine 🙂 Mais à ce jour c’est en Martinique où j’ai rencontré un coupeur de cannes passionné par l’univers du rhum. Nous sommes aujourd’hui amis et nous échangeons régulièrement autour de notre passion commune. C’est ça le rhum avant tout : la passion, le partage et la découverte.
Clos des Millésimes
3 rue Lucien Faure – 33 300 BORDEAUX