Quand on associe Vénézuéla et rhum, on ne pense pas, ou en tout cas pas encore, à Ron Carúpano. C’est un ‘oubli’ qui est en passe d’être corrigé, tant la marque de l’État de Sucre monte en puissance à l’international, après avoir su consolider ses positions sur le marché local.
Ron Carúpano se targue d’être la plus vieille marque de rhum du Vénézuéla. Remontons un peu le temps, à la recherche de ses origines. Le premier Européen à avoir accosté dans ce qui deviendra le Vénézuéla (au niveau du golfe de Paria) est Christophe Colomb, lors de son troisième voyage, en 1498.
Mais le navigateur ne s’attarde pas et ce sont Amerigo Vespucci et Alonso de Ojeda, qui vont explorer la région un an plus tard. Ils y découvrent des Arawaks et des Cumanagatos, qui y vivent depuis plusieurs millénaires.
Ce sont les Espagnols qui revendiquent ces territoires et y installent leur première colonie (Nueva Cadiz) en 1522. Comme partout, les colons repoussent les peuples autochtones et font venir des esclaves africains. La nouvelle colonie, qui ne recèle pas d’or, ne prend réellement son envol qu’à partir du 17e siècle, alors que du cacao y est planté.
Le premier ron añejo vénézuélien est distillé à Altamira
Les premiers appareils de distillation seraient arrivés au Vénézuéla au 18e siècle, et de l’aguardiente (non vieillie) est sans doute produite à cette époque. En 1762, un capitaine espagnol nommé Félix Del Fiero décide de s’établir au Vénézuéla, dans la vallée de Macaparana, là où est aujourd’hui installée la marque Ron Carúpano.
Il décide notamment d’y faire du rhum et pour la première fois dans le pays, de le faire vieillir. “C’est pourquoi nous pouvons dire que Ron Carúpano est le berceau du rhum vénézuélien, car selon la réglementation en vigueur il doit vieillir au moins deux ans”, nous explique Lucia Alliegro, Directrice Marketing pour Ron Carúpano.
C’est la première fois que ce qui sera ensuite appelé un ‘Ron Añejo’ y est produit. En 1821, le pays devient indépendant sous l’impulsion de Simon Bolivar. En 1853, l’hacienda qui est le berceau de la marque Ron Carúpano est nommée ‘Altamira’, nom qu’elle porte toujours aujourd’hui.
Signe que Ron Carúpano est déjà une marque bien installée, elle est présente lors de l’exposition universelle de Paris en 1889 et elle en repart avec des médailles et des distinctions.
Cependant en 1901, la distillerie ferme après la mort de Thomas Massiani, l’un des propriétaires qui s’était efforcé de donner à la propriété le plus grand prestige et la plus grande croissance qu’elle avait connue depuis 1840.
Le renouveau depuis 1954
Il faudra attendre 1954 et l’arrivée d’un actionnariat familial (toujours aux manettes de nos jours) pour que les opérations reprennent. En 2003, l’appellation d’origine contrôlée « Ron de Venezuela » est créée, notamment grâce à l’apport de Ron Carúpano.
2008 marque le lancement le lancement sur le marché de Ron Añejo Ron Carúpano Legendario, un rhum de 25 ans d’âge provenant de fûts assemblés datant de 1983. Au cours des années 2000 et 2010, la gamme sort de plus en plus du Vénézuéla et présente ses cuvées lors de concours internationaux où elle gagne régulièrement des médailles.
En 2022, Ron Carúpano célèbre les 32 ans de bons et loyaux services de Carmen López de Bastidas, la première femme master blender du Vénézuéla et présente sa nouvelle bouteille et un nouvel étui. ”Ron Carúpano a commencé par bâtir sa marque au Vénézuela, où elle est le 3e rhum le plus vendu, analyse Philip Gillier, qui travaille à développer la marque à l’export. Mais contrairement à ses principaux concurrents, c’est l’une des seules à être toujours détenue par des capitaux familiaux, et non des grands groupes internationaux.”
En 2021, Ron Carúpano a vendu 80,000 caisses de 9L au Vénézuéla et 6,000 caisses de 9L à l’export. En 2022, ce seront environ 100,000 caisses de 9L produites au global. Depuis fin 2020, l’entreprise exporte aux USA et depuis le printemps 2021 en Europe.
Un processus de fabrication en deux lieux
La marque Ron Carúpano ne possède plus elle-même de champs de canne, de moulins à presser la canne à sucre, de cuves de fermentation ou d’appareils de distillation. Elle opère un choix parmi les mélasses et parmi les distillats produits par la distillerie géante de Yaracuy (comme une bonne partie des rhums vénézuéliens).
Il s’agit de mélasse de type B (qualitative donc), avec une concentration en sucre non cristallisé de 55% et un degré de Brix compris entre 68% et 75%. Après réduction, le niveau de Brix tombe à 20%.
La fermentation se fait à la distillerie de Yaracuy et dure entre 48 et 96 heures. Le vin de mélasse sort des cuves de fermentation entre 7% et 9% en concentration d’alcool. Il est ensuite distillé dans des colonnes et le rhum qui en sort titre 96%. Les distillats sont ensuite rapatriés à Altamira où le vieillissement peut débuter.
L’hacienda se trouve au cœur de la vallée de Macaparana- Ron Carúpano, une zone de basse altitude au niveau de la mer (3 kilomètres de la côte), et jouit d’un microclimat particulier. Le taux d’humidité y est très élevé (89%) du fait des brises en provenance de la mer des Caraïbes, tandis que les températures sont élevées le jour (32°C), et baissent jusqu’à 18°C la nuit. Depuis 1896 la réduction se fait sur place à l’aide d’une eau de source qui alimente la rivière Chuare dont Ron Carúpano bénéficie d’un accès exclusif.
La question de l’âge
Lors du vieillissement, les rhums qui séjournent dans d’ex-fûts de bourbon, sont entreposés sur 6 étages. “Ils ne subissent aucun ouillage, et la part des anges leur fait perdre jusqu’à 7% par an (pour les fûts les plus proches du toit), précise Luci Alliegro. Les rhums sont ensuite assemblés par la maître de chai Carmen Lopez de Bastidas.”
Selon la DOC vénézuélienne, les rhums doivent vieillir au moins 2 ans. Mais contrairement à ce qui se fait en Europe, c’est la règle de la goutte la plus vieille qui s’applique. Donc lorsque sur une bouteille le chiffre 6 apparait, c’est l’âge du rhum le plus vieux. « Ron Carupano travaille sur la modification des étiquettes afin de supprimer cette référence numéraire qui est traditionnellement utilisée au Venezuela, dans l’objectif de rester le plus transparent possible avec ses consommateurs européens. Cette transi- tion est prévue sur le second semestre 2023 partout en Europe”, nous informe Phillip Gillier.
Vanille, cacao et noix de coco
Ainsi, le Reserva Especial est un blend de rhums de 2 à 6 parfait pour les cocktails. Le Reserva Exclusiva est un blend de rhums de 4 à 12 ans qui peut être bu en dégustation ou en cocktail.
A partir du Reserva Limitada, on entre franchement dans la catégorie des rhums premiums de dégustation. Il s’agit d’un blend de rhums de 5 à 18 ans, plus sec et plus complexe.
Le Reserva Privada est quant à lui un blend de rhums de 6 à 21 qui présente plusieurs couches d’arômes et une très belle longueur en bouche sur la noix de coco. Enfin le Reserva Legendario est un embouteillage qui n’utilise que du rhum de 25 ans d’âge.
500 carafes sont produites chaque année, environ 80%-85% de part des anges. La trame aromatique de la gamme étant sur la vanille, le cacao, et la noix de coco. Toutes les cuvées, titrant 40%.
Voici donc de bons rhums de mélasse de type espagnols, avec de la personnalité et une gamme pertinente, qui plus est à des prix abordables. On trouve en effet le Reserva Exclusiva aux alentours de 45 euros, le Reserva Limitada à 60 euros et le Privada à 75 euros.