Restaurateur, dégustateur, juge de concours, et animateur du site internet la vie del rum, Marco Graziano est un des meilleurs connaisseurs italiens du rhum. C’est donc tout naturellement que nous lui avons demandé de nous en dire plus sur les initiatives dans la botte pour produire des purs jus de canne italiens.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai ouvert un bar en 2006, un bar classique italien, pour m’amuser à goûter le vin et aussi le rhum. Puis j’ai lancé Le Vie del Rum en 2012, sans rien prévoir. J’avais juste envie d’aller goûter le rhum là où il était produit. Je ne connaissais pas grand monde dans le milieu à l’époque.
Grâce à quelques personnes comme Javier Herrera, j’ai pris contact avec une ou deux distilleries. Et le voyage a commencé. J’ai commencé par la Martinique, la Guadeloupe, Marie-Galante… Et j’ai commencé à écrire, à prendre des photos et à les poster sur mon site web.
L’année suivante j’ai été appointé comme un juge au Rhum Fest et j’ai rencontré Alexandre Vingtier et d’autres amis, comme Peter Holland, Yann Burrell… La famille du rhum a commencé à grandir! Après tout ça, j’ai créé un projet d’éducation pour les amateurs et aussi un programme de masterclass pour les professionnels.
J’organise aussi des voyages dans les pays producteurs de rhum depuis 2016. Nous faisons environ 2 ou 3 voyages avec entre 10 et 20 personnes. En mai, j’ai visité Capo Verde, par exemple.
Est-ce possible d’acheter du rhum sur ton site ?
Pour le moment, non. C’est quelque chose que je veux faire, mais je n’ai pas le temps parce que je suis seul à m’occuper du site et qu’il y a quatre ans j’ai eu des jumeaux. Ça occupe ! Mais je vends des bouteilles dans mon bar, mais pas en ligne.
Depuis combien de temps produit-on de la canne à sucre en Italie ?
Je crois que cela a commencé il y au moins 800 ans, suite aux premiers contacts avec la Perse. Dans les années 1200, il y a eu véritable poussée e la culture de la canne à sucre en Sicile. Surtout pour faire du sucre. Les principales zones de culture étaient Marsala, Avola, près de Palerme. C’est encore plus ou moins le cas, même si bien sûr la culture de la canne n’est plus une activité aussi répandue.
Combien de distilleries produisent actuellement de l’homme en Sicile ?
En ce moment, en Sicile, nous avons 3 producteurs, avec 2 distilleries.
Pouvez-vous nous en parler ?
La première est Avola où Mr Corrado Bellia a eu l’idée folle de reprendre la production de canne. Mais il n’y a pas à proprement parler de distillerie sur place. La canne à sucre d’Avola est coupée, pressée, fermentée et après, le vin de canne est envoyé en vrac par la route à Messine. Avola produit du rhum blanc et fait aussi vieillir des rhums. Une petite zone de culture existe aussi désormais à la distillerie Giovi près de Messine.
Et c’est bon ?
Oui, j’ai testé un sample envoyé par Giovanni La Fauci et Giuseppe La Fauci, le père et le fils à la tête de la distillerie. C’est vraiment intéressant. Ils utilisent un pot still avec quelques ajustements particuliers. Pour moi, à Giuseppe La Fauci, c’est un peu l’équivalent sicilien de Léopold Reimonenq. Ce mec est fou, dans le bon sens du terme!
Est-ce qu’il y a des colonnes à distiller en Sicile ? Ou est-ce qu’ils utilisent tous l’alambic ?
Il y a une petite colonne qui est utilisée pour la distillation d’un type de grappa. Mais pas pour le rhum. Pour le rhum on utilise le Tullio Zadra, un style ancien de l’alambic italien. Et il y a aussi ce pot still Bagnumaria qu’on utilise d’habitude pour la grappa.
Quelles sont les autres distilleries siciliennes ?
Il y a aussi une distillerie à Modica, une autre ville près de l’Avola, au sud de Sicile. C’est très célèbre par rapport au chocolat. Là-bas, il y a un autre mec fou, Hugo Gallardo, qui a créé Alma Distillery en 2023, qui produit le rhum Mater.
La canne à sucre est récoltée, broyée. Il y a un mélange de cannes jaune et de canne violette. Et c’est bon! Un de ses rhums a gagné la médaille cette année au Rhum fest d’ailleurs.
Est-ce facile de faire pousser des cannes à sucre en Sicile ?
Pour le sol, pas de problème. Il y a de l’espace. Le soleil, l’hiver, pas de problème non plus. La difficulté arrive à trouver de l’eau ! Parce qu’en Sicile, il n’y a pas beaucoup de précipitations… Pas de pluie tropicale, pas de saison de pluie.
C’est discontinu. Mais sous terre, il y a beaucoup d’eau. Le problème, c’est d’y accéder. Ils ont mis en place un système d’irrigation au goutte-à-goutte qui donne de très bons résultats. Par exemple, quand j’étais en Sicile en 2022, la concentration de sucre était de 22 à 24 % de bix. C’est vraiment intéressant.
Quelle est la saisonnalité de la production de rhum ?
La campagne de coupe dure généralement du mois d’avril jusqu’au mois d’août. Le mois est vraiment très chaud. Mais ça arrive de récolter aussi en septembre et en octobre.
Et ailleurs en Italie, trouve-t-on du rhum ?
Et en Italie, nous avons plusieurs autres projets. Il y en a un en cours à Palerme. Et en dehors de Sicile, nous avons Berola, à Caserta. C’est vraiment très proche de Regia di Caserta. Ils produisent le rhum qui est vieilli dans un ex-fût de vin italien.
Le propriétaire d’Amar Del Capo, a aussi un projet pour créer un rhum de Calabre à partir du pain au sucre local. Pour l’instant, il n’y a pas de distillation. Il y a d’autres distillateurs qui créent du rhum de mélasse. Mais c’est une autre histoire.
Est-ce qu’on produit du rhum pur jus ailleurs en Europe ?
Au Portugal, je ne sais pas, je pense que non. Excepté à Madère, mais c’est une autre histoire. En Espagne, il y a de l’activité. L’une est importante, Ron Montero, dans la région de Grenade.
Mais je pense qu’il y a deux ou trois ans, au moment du covid, la production s’est arrêtée. Sinon, de la canne à sucre pousse en Grèce. Il y a 3 ou 4 ans, il y a eu des essais de fermentation et de distillation en Suisse avec ces cannes à sucre grecques.
Comment est structuré le marché italien du rhum ?
Je pense que le marché italien est vraiment proche de la France et de l’Allemagne. Alors que l’Espagne ou le Portugal sont totalement différents de nous. Dans le marché italien, vous pouvez trouver un nombre incroyable de rhums.
Le plus grand nombre aime les rhums sucrés ou semi-sucrés. Mais chez les professionnels, le nombre de gens qui veulent apprendre augmente, il y a, pour moi, une évolution intéressante.
Nous consommons beaucoup de rhum agricole, de rhums vieux, de blancs “premiums”, même si je n’aime pas beaucoup ce mot. Et il y a aussi une recherche intéressante pour créer des cocktails avec de bons produits.