Vous avez peut-être vu sur les réseaux sociaux ce graphique qui recense les teneurs en sucre d’une trentaine de cuvées de rhums et apparentés. C’est Adrian Keogh, fondateur de Boukman, qui en est à l’origine, à partir des chiffres mis à disposition par les trois monopoles étatiques scandinaves : Systembolaget (Suède), Vinmonopolet (Norvège) et Alko (Finlande). Demandons-lui de nous en dire davantage.
Vous avez publié sur les réseaux sociaux les taux de sucre d’une trentaine de cuvées de rhum, d’où proviennent ces chiffres ?
Ces chiffres sont fournis par les marques eux-mêmes aux monopoles d’État scandinaves (Norvège, Suède, Finlande…), qui demandent ces analyses avant de référencer un produit. Ils exigent de la transparence aux producteurs d’alcool, notamment sur la déclaration de la contenance en sucre de leurs produits.
Qu’est-ce que vous reprochez au sucre au juste ?
Rien du tout ! C’est plutôt un manque de transparence que je regrette. En particulier sur les marchés américains et allemands où tous les rhums, en particulier dans le haut de gamme, sont sucrés. Cela rend difficile l’établissement d’un rhum sans sucre comme Boukman sur ces marchés. C’est pourquoi nous expliquons notre démarche auprès des acheteurs, des bartenders, des consommateurs, que non le rhum ne contient pas naturellement du sucre. Il est toujours ajouté.
Les débutants dans le monde du rhum préfèrent pourtant souvent le goût sucré !
Oui, et cela permet de recruter énormément de nouveaux consommateurs. Et de fil en aiguille, cela nous apporte même des clients lorsque ces derniers en ont marre du sucre. Encore une fois je n’ai rien contre le sucre en tant que tel, je veux juste que les consommateurs soient informés sur ce qu’il y a dans leur rhum.
On affiche bien le taux d’alcool, pourquoi pas le sucre ? Sans modération, ces deux éléments ne sont pas très bons pour la santé ! Plus largement, je pense que si le rhum veut rattraper le whisky sur le segment des spiritueux premiums, il va falloir qu’il fasse toute la transparence sur le sucre qu’il contient véritablement.
Parlons de Boukman à présent, quelle est sa composition ?
Boukman est un Clairin trempè, réalisé à partir de rhum de pur jus de canne haïtien dans lequel on a fait infuser des écorces, des épices et des plantes sauvages indigènes. Il n’y a aucun sucre. C’est une tradition bien ancrée en Haïti puisqu’il représente la moitié du clairin consommé sur place, même si en Europe on connaît mieux le clairin de guildive blanc, comme ceux importés par la Maison Velier ou Saint Benevolence.
Mais est-ce bien un rhum au sens légal ?
Boukman est considéré comme une boisson spiritueuse à base de rhum, puisqu’on il ne peut y avoir d’aromatisation, même naturelle et traditionnelle dans un rhum.
Pourtant le mot rhum apparaît bien sur la bouteille aux côtés du mot botanical.
Oui et il y a aussi bien marqué en gros « boisson spiritueuse à base de rhum ». Et de fait, le seul alcool qu’il y a dans la bouteille est bien du rhum de pur jus de canne distillé en Haïti.
Que signifie botanical rhum ?
On voulait se démarquer des rhums épicés ou spiced rums qui utilisent bien souvent des arômes artificiels, alors que nous utilisons des plantes et des écorces naturelles pour nos infusions. Cette tradition des rhums infusés existe en fait dans toutes les Caraïbes, mais c’est peu connu. À l’exception des rhums arrangés qui cartonnent en métropole et qui commencent à être exportés aux USA.