Le Rhum et la Prohibition aux Etats-Unis : retournement d’un imaginaire (1/3)

Pour ce second article relatif à l’imaginaire du rhum, nous partons aux Etats-Unis, terre de prohibition. Cette dernière, qui s’étala de 1920 à 1933, trouve ses racines au XVIIIème siècle. Avant-même la Guerre d’Indépendance, période où le rhum était le spiritueux dominant, des écrits anti-alcool étaient publiés.

rhum prohibition
Images issues de la collection de Guillaume Ferroni

On peut citer par exemple, The Mighty Destroyer Displayed, in Some Account of the Dreadful Havock made by the mistaken Use as well as Abuse of Distilled Spirituous Liquors, publié dans les années 1770, par un français émigré aux Etats-Unis pour raison religieuse, Anthony Benezet, (né Antoine Benezet). Son combat principal est l’abolition de l’esclavage. Néanmoins les ravages causés par l’alcool le préoccupent. Il s’en prend frontalement au rhum : « Indeed the repeated large quantities of rum commonly drank during the whole time of harvest, keeps up the blood in a continual ferment and fever, in which state people cannot have a proper restorative sleep : their constitutions are thereby enervated, their lives shortened, and an unfitness for religious impressions generally prevails ». En résumé, le rhum rend malade, raccourcit la vie et entame le sentiment religieux des individus.

A côté des mouvements religieux, incarnés ici par Benezet, les Indiens qui commerçaient avec les colons anglais, se plaignaient de voir leurs tribus être abîmées par le rhum. « The Rum ruins us » dit un jour un chef Iroquois au gouvernement de Pennsylvanie.

Choisir le rhum comme ennemi est, somme toute, assez logique au vu son importance au XVIIIème siècle. Durant la Guerre d’Indépendance, Georges Washington lui-même, utilisa allègrement cette boisson pour encourager les troupes et considérait comme un handicap le manque d’approvisionnement de cette boisson. Après la Guerre, on assiste à un retournement du marché de l’alcool au profit du whisky.

Malgré cela, le rhum va rester durant tout le XIXème siècle, et jusqu’à la prohibition, le symbole de l’alcool nocif, au point de nommer Rumrunners des trafiquants qui transportaient des quantités considérables…de whisky. Le rhum conservera longtemps cette image négative qui va se retourner durant la prohibition au profit d’une image nouvelle, festive, alors que celui-ci était interdit sur le territoire…

Nous allons tenter d’expliquer comment le rhum a pu évoluer dans l’imaginaire américain, passant d’une image négative à positive. 

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