Le président Marc Sassier fait le point sur l’AOC Martinique, alors que la seule appellation d’origine contrôlée du rhum au monde va fêter ses 30 ans l’an prochain. Genèse, rôle de l’INAO, importance de la dégustation dans la typicité des rhums, évolutions passées et à venir, défense de l’AOC… tout y passe !
Quel est votre rôle au sein de l’AOC Martinique ?
Je suis le président de l’AOC, élu depuis juillet 2017. Les présidents ont des mandats de 3 ans renouvelables. Ayant toutefois préalablement travaillé avec le Syndicat, notamment sur la rédaction des Cahiers des Charges.
Pouvez-vous revenir sur l’historique de la création de l’AOC ?
Je n’étais pas encore en poste, mais j’ai eu accès aux archives. Les démarches ont véritablement été lancées suite à l’obtention d’un label rouge en 1973. Ce label rouge avait un logo très reconnaissable, c’était un petit planteur avec d’un côté une canne à sucre dans une main, et, de l’autre côté, un coutelas.
C’était au moment de la crise sucrière. Les Martiniquais ont voulu différencier leur sucre avec un label, parce que leur canne à sucre était une des plus chères à produire. À l’époque, monsieur Bourdillon de la Mauny, Mr Lachnay et déjà monsieur Benoit pour Saint James étaient moteurs, mais aussi le père de Claudine Vernant, chez Neisson et Yves Hayot.
Comment se sont passées les premières étapes ?
Ils ont décidé d’aller plus loin que ce label et de viser l’AOC. Ils ont donc pris contact avec l’INAO (officialisée par la demande INAO n°74-017 de 31 pages) qui est l’instance qui s’occupait des AOC en métropole.
Mais l’INAO (Institut National des Appellations d’Origine, NDLR.) n’était pas compétente pour les DROM et il a fallu changer la loi. Une fois ceci fait, ils ont pu commencer à discuter. C’était monsieur Roncin qui menait les discussions INAO pour la Martinique à l’époque.
Une commission d’enquête a été mise en place et a établi que seul le rhum agricole pouvait bénéficier de l’AOC. Il ne pouvait y avoir deux appellations avec la même dénomination sur la même zone géographique et pour le même type de produit. Le rhum de la sucrerie ne pouvait donc pas en bénéficier.
Comment la sucrerie du Galion a-t-elle réagi ?
En échange de l’abandon de l’AOC Martinique par la sucrerie du Galion, ils ont obtenu une IG qui était « Rhum traditionnel de sucrerie de la baie du Galion ». Pour ce faire, il y a dû y avoir une signature de tous les directeurs du conseil d’administration du Galion, des représentants, des délégués du personnel…
L’AOC Martinique en quelques mots.
Entré en vigueur en 1996, l’AOC Martinique est la première et la seule appellation d’origine contrôlée (à date) concernant le rhum. Il concerne exclusivement le rhum agricole.
Le cahier des charges stipule notamment que toutes les cannes servant comme matière première doivent avoir été cultivées dans la zone AOC (les zones de plantations y sont en effet spécifiées).
Le rendement à l’hectare de canne ne peut dépasser 120 tonnes (il est en moyenne de 70 tonnes en réalité), et la coupe doit se faire du 1er janvier au 31 août.
La fermentation ne doit pas excéder 120 heures et le jus fermenté qui en résulte, ne doit pas dépasser 7,5% de volume d’alcool. Le degré de distillation est restreint entre 65 et 75%.
Le coefficient d’éléments non-alcool doit être au minimum de 225 g/HAP (hectolitre d’alcool pur). Le rhum blanc ou ESB doit être mis au repos six semaines en cuve inox avant d’être embouteillé, en Martinique ou en métropole.
Un rhum élevé-sous-bois devra passer au moins 12 mois en foudre en chêne, pour le vieillissement un VO (ou vieux) devra passer 3 ans minimum en fût de chêne de moins de 650 litres, un VSOP (aussi appelé Réserve Spéciale ou rhum très vieux) 4 ans et un XO (ou extra vieux, hors d’âge) 6 ans (de même pour les millésimes).
Tous les rhums qui veulent arborer le sigle sur leurs étiquettes doivent avoir été d’abord dégustés par un jury de dégustateurs formés.