Face à des distributeurs toujours plus concentrés, les marques indépendantes cherchent un partenaire à leur écoute. Tom van Lambaart, ex-dirigeant chez Dugas, a lancé IQ Spirits, une nouvelle société de distribution tournée vers l’indépendance et l’accompagnement sur mesure. Il nous raconte la genèse de ce projet et sa vision du marché.
Parlez-nous de la genèse de votre nouvelle entreprise
Tout d’abord, j’ai toujours beaucoup aimé travailler avec des propriétaires de marques pour définir des plans pour construire leurs marques, identifier les sources de croissance et mettre en place des actions pour y arriver.
Après mon départ de la société Dugas, au moment de la vente au grand fonds américain CVC Capital Partners (qui est le propriétaire de Stock Spirits, et qui a racheté Dugas et Clan Campbell) j’ai voulu continuer à travailler avec de belles marques de spiritueux.
De nombreuses marques de spiritueux indépendantes se posent des questions quant à leur distribution en France. mais aussi négocié des accords de distribution avec les marques de Beam Suntory, Diageo ou Bacardi.
Dugas s’est un peu plus repositionné sur le mass market et a eu à gérer des dizaines de marques en portefeuille. Des marques indépendantes, fondées par des entrepreneurs, ont pu sentir que le focus n’était plus sur elles.
Elles se sont senties délaissées ?
Certaines marques n’obtiennent effectivement pas l’attention qu’ils souhaitent. Les deux grands distributeurs historiques Dugas et la Maison du Whisky font chacun entre 150 et 200 millions d’euros de chiffre d’affaires.
LMDW distribue environ 600 marques, pas facile pour leurs commerciaux. La stratégie qu’affiche Stock Spirits est de devenir le leader du mainstream en Europe avec des marques comme Clan Campbell et Sierra Tequila.
Il y a aussi des distributeurs de taille moyenne, comme Whiskies du Monde, par exemple, qui se focalisent principalement sur les marques dont ils sont propriétaires.
Des marques indépendantes ont pu sentir que le focus n’était plus sur la construction et le développement de leur marque. Il y a aussi beaucoup de petits distributeurs, qui peuvent donner du focus mais qui n’ont pas assez de force de frappe.
Il y avait une opportunité pour créer une société qui peut proposer aussi bien un focus qu’une bonne force de frappe, avec une équipe d’experts. Et c’est là où j’ai créé la société IQ Spirits, pour Indépendant et Qualité. Parce qu’on souhaite travailler pour des marques, des sociétés indépendantes et de qualité.
Quel type des spiritueux cherchez-vous à distribuer ?
Des maisons, des entreprises indépendantes, de tous types de spiritueux, je cherche à couvrir toutes les catégories. Mais avec un nombre de marques limitées à chaque fois.
Et concernant plus spécifiquement le rhum ?
Nous avons Payet et Rivière…
Payet & Rivière étaient chez Dugas auparavant non ?
Les rhums de Payet&Rivière sont arrivés en métropole seulement il y a quelques semaines, début juin. Leur sucre était peut-être représenté en France mais pas leur rhum. Alexis Rivère m’a contacté car cet entrepreneur de l’Ile de la Réunion a apprécié le côté entrepeneurial de IQ Spirits. L’histoire née de la passion de la canne à sucre d’Alexis Rivière est incroyable. En sus du rhum, il fait un excellent sirop et des bonbons de galabé. Il fait ainsi de la promotion de la canne et aussi de son Ile de la Réunion, que j’affectionne particulièrement pour y avoir habité pendant trois ans.
Et les autres marques ?
Nous avons le rhum dominicain Matusalem, leurs nouvelles bouteilles sont magnifiques et leurs jus toujours aussi bons. En plus, nous avons pu repositionner le prix afin d’arriver à une baisse de 5€ et un prix de vente consommateur cible de 39€. Ou la marque Papa’s Pilar que nous venons de présenter au salon de Bordeaux.
Parlez-nous de cette marque qui est peu connue en France ?
C’est une marque qui est basée sur la personnalité et l’histoire d’Hemingway, qui était écrivain, mais aussi aventurier. Papa était un de ses surnoms et Pilar, le nom du bateau avec lequel il faisait de la peche au groset allait d’île en île… Ses héritiers ont construit une distillerie à Key West, c’est dans le sud de la Floride, aux États-Unis.
Papa’s Pilar est un assemblage de rhums de cette distillerie et de rhums des îles qu’Hemingway avait l’habitude de visiter. Le design en forme de gourde, avec le bouchon métallique, rappelle son côté aventurier. Il y a 9g de sucre, donc c’est relativement peu sucré mais très agréable à boire. Pour moi c’est une marque qui a le potentiel d’un Don Papa.
Quels autres types de rhums recherchez-vous ?
Nous cherchons de belles histoires dans le rhum français, le rhum « espagnol », le rhum « anglais » et on va le faire progressivement. Notre volonté est de s’étoffer, mais pas trop vite et on ne veut pas d’un portefeuille énorme. Or, en tant que distributeur on est beaucoup sollicités, et il faut savoir bien choisir.
Vous lancez votre entreprise dans un moment où le marché des spiritueux, en tout cas en France, n’est pas très bon. Comment vous voyez justement l’avenir ?
Je suis plutôt optimiste par rapport à l’avenir. Il faut se rappeler qu’on sort de quelques années fantastiques pour le marché des spiritueux. Pendant et après le Covid, les gens étaient à la maison, ils avaient en général quand même leur rémunération qui continuait, et donc ils avaient de quoi dépenser et voulaient se faire plaisir.
Mais la période post covid est moins flamboyante
C’est vrai que le marché est en baisse, mais c’est cyclique. À un moment donné ça va remonter. Les fondamentaux sont bons et il y a du potentiel pour les spiritueux premiums. Aujourd’hui, en France, seulement 3% des spiritueux sont vendus au-dessus 30 euros. Et seulement 7% sont vendus à plus de 20 euros.
Donc, quand on voit la marge de progression, je pense que, dans la durée, peut-être les gens vont consommer peut-être un peu moins, mais certainement mieux. Même les jeunes générations, qui font plus attention à leur consommation, à leur santé, ont envie de se faire plaisir, de partager de bons moments avec des produits de qualité.
C’est toujours difficile de prévoir exactement combien de temps cette période va durer. Mais quand on lance une société, ce n’est pas pour un an, c’est sur la durée.