Le 16 mars dernier, les restaurants, hôtels, bars et tous les « lieux accueillants du public non indispensables à la vie de la Nation » ont dû fermer. Un véritable coup de massue pour le secteur CHR (Cafés- Hôtel- Restaurants). Même si les restaurants et bars sont «autorisés à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison», le flou règne quant à la réouverture de ces lieux.
Face à ce désarroi, de nombreuses personnes du secteur se sont mobilisées dont Laurent Le Pape (Infosbar) qui a créé un groupe Facebook dédié aux CHR et organise des live avec des invités influents du secteur. Il nous livre son point de vue sur la situation.
Rumporter : Tu as créé un groupe FB « Entraide CHR » peux-tu nous le présenter plus et nous en expliquer le but ?
Laurent Le Pape : Le groupe Facebook a été créé sur une initiative collective. Yoann Demeersseman (L’Atelier Cocktailier), Julien Cuvillers (appli The Bar Corner) et moi-même voulions aider nos amis du CHR face au chaos ambiant et au risque d’incompréhension administrative des mesures proposées.
Face aux nombreux effets d’annonce du gouvernement pour les entreprises, nous avons tenté de canaliser les communiqués officiels, mais pas que. Nous avons notamment sollicité les entreprises à partager leurs échanges avec leur service comptable respectif. Cela a notamment permis de partager des exemples de lettres pour les différentes administrations, impôts et autres Urssaf notamment.
Une fois la phase administrative mise en route, les membres du groupe ont partagé et postent encore de nombreuses publications autres pétitions liées au CHR durant la crise du Covid-19.
Rumporter : Quel est ton ressenti face à cette situation inédite ? Penses-tu que le secteur devra se « réinventer » après ces événements ?
LLP : Il y a ceux qui pensent qu’une fois le virus maîtrisé, tout reviendra comme avant et les autres… Je crois pertinemment qu’il y aura un avant et un après Covid. Je pense que le CHR tel que nous l’avons connu va faire partie de l’histoire et qu’il va falloir en écrire une nouvelle « from scratch » ou presque.
Bien malin qui pourrait prévenir l’avenir en ce moment, même à 6 mois. Les codes sont en train de changer, à l’instar de l’utilisation des masques qui ne faisait absolument pas partie de notre culture mais qui désormais vont l’intégrer. Je parie même que les designers de mode vont s’en emparer et que le masque va devenir à terme, un accessoire fashion. Qui aurait pu prévoir cela, il y a ne serait-ce que 3 mois ?
Nous sommes je pense, à l’aube d’une nouvelle ère du CHR. Cela peut faire peur car sortir de ce que l’on connaît, de sa zone de confort peut se révéler anxiogène pour certains. Pour d’autres comme Marc Bonneton, serial entrepreneur Lyonnais, l’avenir se révèle comme un véritable challenge qu’il entend bien relever avec la volonté de «winner » qui le caractérise. Marc avance avec la crise et anticipe l’avenir.
Dans l’excellent livre « Disruption », l’auteur, Stéphane Mallard parle de « rupture, de révolution, à la fois brutale et inéluctable ». Ce livre très bien renseigné, évoque les changements profonds qui vont nous impacter dès cette année, que ce soit dans l’univers du travail ou de notre vie personnelle. « Tout est disruptable : les entreprises et leurs services, mais aussi nos modèles d’organisation, nos manières de penser, de communiquer, de travailler, nos valeurs et jusqu’à notre propre corps. Face à la puissance de cette vague qui balaie tout sur son passage, il est urgent de comprendre les nouveaux codes exigés par la disruption, et de se disrupter soi-même pour ne pas disparaître ».
Inexistante à l’époque de la rédaction de ce livre, la crise du Covid-19 va certainement accélérer le processus de disruption. Nous l’avons vu avec l’installation du télé travail ou encore la généralisation des apéros virtuels. Pour conclure, je pense qu’il est effectivement urgent de réinventer les codes du CHR.
Rumporter : Quel message veux-tu envoyer aux acteurs du secteur ?
LLP : J’aime bien le slogan d’Apple « Think Different » … Penser autrement et se former le plus possible pour être en mesure de rebondir en cas de changement de trajectoire forcé. Les crises révèlent de très beaux actes solidaires mais ces derniers sont souvent éphémères. Lorsque les choses reviennent à la (presque) normale, tout est souvent à refaire. La solidarité diminue et nous retrouvons notre mode de fonctionnement habituel sans en tirer les leçons qui s’imposent.
Je pense personnellement que ce serait une erreur de repartir sur nos modèles précédents. Personnellement, j’essaie d’appliquer ce principe de disruption à ma propre cause, que ce soit en mode pro ou perso. Même si l’avenir me fait peur aussi, j’essaie de sortir de ma zone de confort en testant de nouvelles choses. Je fais parfois des erreurs mais je n’en ai pas honte. L’erreur est humaine et il ne faut pas avoir peur de la verbaliser.
En France, nous avons un rapport difficile à la culture de l’échec. Aux États-Unis, il est considéré comme une composante à part entière de la réussite et j’adhère parfaitement à ce courant de pensée.
Rumporter : Un mot sur les live que tu proposes ?
LLP : Voilà justement un exemple de disruption dans la communication d’Infosbar. Habitué aux interviews écrites, audio (podcasts) ou vidéos enregistrées, j’ai tenté une « sortie de route » volontaire. Comme un besoin de me réévaluer et de me mettre en danger …
Confiné à la campagne, avec un réseau internet très faible, j’ai pris un peu de recul en observant les différentes communications de mes confrères. Les applis de vidéo chat se sont propagées à la vitesse du virus et des masterclass se sont très vite mises en place. L’initiative de masterclass live proposée par Geoffrey Garcia sur sa page Facebook South Spirits Expérience a par exemple commencé à fédérer les premiers pros de l’industrie. Le lien avec les ambassadeurs de marques a commencé à s’installer malgré le manque de moyens puisque nous sommes tous confinés. Mais dans ce rapport au digital, il me manquait quelque chose : la proximité.
Je voulais garder le contact avec mon réseau, mes amis et partenaires du CHR. J’ai d’abord pensé à un rdv audio hebdomadaire mais j’avais déjà mon canal podcast et je voulais proposer quelque chose de nouveau. J’ai donc gardé le nom INFOSBAR INSIDE car la marque était déjà connue et j’y ai ajouté la dimension LIVE. Je me suis donc imposé ce 1 er challenge, le 2ème étant la récurrence puisque ce rendez-vous est quotidien du lundi au vendredi à 17h30. Le 3ème challenge était de booker un invité de marque à chaque épisode. INSIDE LIVE a déjà accueilli de nombreuses personnalités du CHR au rang desquelles Nico de Soto (Danico, Daroco, Mace, Kaido), Aurélie Panhélleux (Copperbay), Matthias Giroud (WM. Signature), Yoann Demeersseman (L’Atelier Cocktailier), Johann Bouard (IBDG Worldwide), Ugo Jobin (Ugo & Spirits), Philippe Vaurs (Pdt du groupe Elegancia Hotels), Christopher Gaglione (Solera Paris), Stephen Martin (Brand Ambassador St James et St Raphaël) ou encore Julien Escot (Aperture) pour ne citer qu’eux.
Ce rendez-vous d’un nouveau genre est un concept hybride et interactif qui fédère chaque jour de plus en plus de bartenders et autres professionnels de l’industrie. Nous organiserons même INFOSBAR INSIDE LIVE avec Maître olivier Poulet, avocat spécialisé dans la Loi Evin. Grâce à la video, ce concept hybride de « radio libre du bar » en mode streaming live traverse les frontières en s’affranchissant des barrières. Au programme chaque jour, un invité fil rouge, des intervenants, des questions sur le chat, des archives, du sérieux, du rire et souvent des problèmes techniques liés à la surcharge du réseau. Un rendez-vous vrai, sans artifice avec des invités qui jouent le jeu. Après le déconfinement, INFOSBAR LIVE sera probablement maintenu en version hebdomadaire.
INFOSBAR INSIDE LIVE
Page Facebook Infosbar du lundi au vendredi de 17h30 à 18h30
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