Chef du service addictologie au CHU Félix-Guyon à Saint-Denis de la Réunion, le docteur David Mété est favorable à la suppression de la fiscalité allégée pour les rhums vendus localement dans les DOM. Pour ce médecin addictologue, dont l’action ne vise pas à discréditer le produit rhum ni la filière canne à sucre, cette mesure pourrait permettre d’aider les populations vulnérables et de lutter contre la surconsommation d’alcool. Auteur d’un article sur la question de la fiscalité du rhum dans les DOM dans la Revue d’Epidémiologie et de Santé publique, le docteur David Mété souhaite que les producteurs de rhum poursuivent leurs efforts dans la distillation de produits haut de gamme destinés à l’exportation.
Rumporter : Le changement de régime fiscal des rhums des DOM bouleverse-t-il l’ensemble de l’écosystème ?
David Mété : La fiscalité réduite des rhums des DOM est un sujet complexe. Si les DOM font partie de l’Europe, ils n’appartiennent pas à son territoire fiscal. Pour la majorité des boissons alcoolisées vendues dans les DOM, le modèle de la fiscalité pratiquée en métropole a été repris avec l’adjonction de l’octroi de mer. Ce n’est pas le cas des rhums et de leurs dérivés, fabriqués et vendus sur place, qui bénéficient d’une fiscalité très allégée : jusqu’à -80 % comparée à celle des spiritueux en métropole. Sa finalité est de favoriser la vente sur place en orientant le choix des consommateurs vers des produits moins chers. Il ne faut pas confondre cette fiscalité, qui concerne le marché local, avec le régime tout à fait légitime des quotas orienté vers l’exportation qui permet la commercialisation de 144.000 Hectolitres d’Alcool Pur (HAP) de ces rhums en France métropolitaine avec une réduction de 50% des droits d’accises.
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R : Quel sera l’impact de la taxation votée en novembre par législateur pour les producteurs de rhum ?
DM : L’impact de cette taxation sera modeste puisque seul un petit volet de la fiscalité est concerné : la cotisation ou vignette sécurité sociale. Son application sera en outre amortie dans le temps avec une application progressive sur 5 ans à partir de 2020. Le législateur n’a pas prévu, pour l’instant, de toucher au volet le plus important de la fiscalité : les droits d’accises, à savoir 145 €/HAP à La Réunion contre 1.758 €/HAP pour les spiritueux en métropole ! L’impact sera donc modeste sur les ventes. L’avenir de la filière passe par l’exportation de produits à forte valeur ajoutée et non par du bas de gamme vendu localement et consommé très majoritairement par des personnes en grande difficulté avec l’alcool.
RUMPORTER
Édition avril 2019
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