Covid-19 : Interview d’Antoine Poircuitte des rhums Sampan – Vietnam

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Rumporter : Le Corona virus est parti de Chine mais le Vietnam semble s’en sortir très bien avec peu de cas pour une population de 96 millions d’habitants. Pouvez-vous nous faire un point à date (25 avril) de l’évolution de la maladie au Vietnam ?

Antoine Poircuitte : Effectivement le Vietnam fait figure de « modèle » dans la gestion de cette crise. A date il y a eu 268 cas, 223 guérisons et 0 décès et pas de nouveau cas depuis le 16 avril.

Ce n’est pas sans rappeler la gestion de la crise du SRAS en 2003. Le Virus est apparu au Vietnam fin janvier en affectant Hanoï (la capitale) en premier lieu. Les personnes contaminées ont rapidement été prises en charge par les autorités et l’ensemble des personnes susceptible d’avoir été en contact direct ou indirect avec eux, avec un degré d’une ou deux personnes,  ont rapidement été identifiées et placées en quarantaine.
Les quartiers résidentiels des contaminés ont été également mis en quarantaine et désinfectés. Les personnes y résidant ont été rapidement testées et placées en quarantaine.

Le Vietnam est un pays où la population vit principalement dehors, porte de manière naturelle des masques pour se protéger de la pollution et du soleil. Dès le mois de février, le gouvernement a demandé à l’ensemble de la population de porter des masques de manière quasi permanente et de garder certaines distances de sécurité. Durant les mois de février/mars, les lieux de rassemblement (hôtels, bars, restaurants) ont été progressivement fermés et certains sites touristiques se sont vus interdit aux étrangers. Une peur de l’étranger s’est un peu développée avec, ça et là, des établissements affichant la mention « interdit aux étrangers ». Les frontières internationales ont été fermées mi-mars, seuls les vols de rapatriement étant autorisées.

Ici à Hoï An, les hôtels étaient vides fin mars, l’ensemble des touristes et certains ressortissants étrangers se sont vus rapatriés dans leur pays. Le premier avril, le confinement était effectif. Le dernier vol de rapatriement vers la France est parti le 6 avril. A partir de là, les hôtels étaient interdits d’activité tout comme les bars, restaurants et autres activités commerciales « secondaires » ainsi que toutes les plages. Le vieux quartier de Hoï An, centre touriste majeur a, quant à lui, été fermé dans la première moitié de mars.

Les frontières intérieures des 63 provinces étaient fermées à la circulation possible. Seuls les ravitaillements en nourriture étaient autorisés.

L’ensemble des étrangers présents sur le territoire et arrivés après le 1er mars ont été convoqués par les services sanitaires pour dépistage et afin de lister l’ensemble des lieux qu’ils avaient fréquenté et les personnes côtoyées.

Des check points ont été mis en place sur les routes du pays pour contrôler les personnes qui se déplaçaient encore(contrôle de température), des masques y étaient distribués ainsi que du gel hydroalcoolique.

L’ensemble de la population a suivi les directives. Dans un pays communiste les règles dictées par le parti sont en général bien suivies… Depuis le 23 avril, nous avons entamé la phase de « déconfinement ». Les bars et restaurants reprennent leur activité mais toujours en gardant une distance de sécurité de 1 mètre entre les clients. Les frontière entre provinces ré-ouvrent et les vols entre les grandes villes reprennent.

R : Pouvez-vous nous raconter concrètement comment vous vous êtes organisés sur le site de production. Avez-vous eu besoin de procéder au télétravail, au chômage partiel ou autre mesures courantes en Europe ?

AP : Sur site, nous avons fermé l’accueil touriste à partir de mi-mars. Et nous avons suspendu notre production en cours. Nous avons gardé l’ensemble de notre personnel avec quelques mi-temps. Il était important pour nous de continuer de soutenir nos collaborateurs, originaires du village où nous sommes implantés, village de pécheurs avec peu de revenu par famille. Tout le monde a compris l’enjeu et l’effort à fournir.

R : Récemment en France, le gouvernement via plusieurs décrets ministériels a facilité le don d’alcool de bouche aux pharmaciens et autre opérateurs habilités à produire du gel hydroalcoolique ? Les « rhumiers » de Martinique, de Guadeloupe ou de la Réunion se sont organisés pour donner de l’alcool aux administrations locales. Est-ce que le Vietnam souffre du même manque en gel hydroalcoolique ? Est-ce que vous avez pu mettre quelque chose en place?

AP : Non, le Vietnam ne souffre pas de manque de gel hydroalcoolique, ni de masques. L’utilisation d’un gel hydroalcoolique est assez courant dans le pays. En effet sous un climat tropical chaque petite plaie est une grosse infection potentielle … D’ailleurs, chaque commerce, chaque guichet (banque, poste…) dispose d’un distributeur de gel. Chaque personne est invitée à l’utiliser avant de s’adresser à une autre personne. Avant l’arrêt de notre production, nous avons également produit à la distillerie un gel hydroalcoolique que nous avons offert aux autorités local afin de le distribuer à la communauté. C’est ainsi que nous avons pu offrir 200 litres de gel en spray de 200 ml pour les habitants les plus reculés de notre province.

R : Savez-vous quelles conséquences, la crise impliquera sur votre propre production de rhum ?

AP : Nous sommes une entreprise jeune dans un univers où les fonds de roulement et l’immobilisation sont importants. C’est pour cela que nous avons pour l’instant suspendu notre production afin de pouvoir garder de la trésorerie pour faire face au ralentissement de l’activité. La récolte de la canne à sucre se termine dans les environs de septembre et je pense terminer notre production 2020 au court de l’été. Mais d’ici là, vue la baisse de la consommation, nous n’aurons aucun problème de rupture. Nous avons sur l’eau plus d’une trentaine de barriques qui doivent arriver en mai et allons continuer à développer notre chai de vieillissement. Nous « profitons » de ce temps pour réfléchir àde nouveaux produits, faire des essais et pouvoir reprendre à la production avec de nouvelles idées.

R : Avez-vous déjà perçu un impact de la crise sur les ventes ?

AP : Nous avons été évidement impacté par cette crise ! Hôtels, bars et restaurants sont nos principaux clients. Nous avons commencé notre distribution fin aout 2019 via un partenaire national au Vietnam, nous avons été très actif à travers tout le pays pour faire découvrir notre marque, nous avons établi beaucoup de partenariats qui sont toujours d’actualité mais on hold pour l’instant. Sur site, l’activité est nulle niveau accueil et hébergement. Le « déconfinement » qui commence va nous aider à reprendre un peu d’activité, mais le retour de l’activité touristique est très attendue pour nous et pour la majeure partie des commerces de Hoï An qui reste le deuxième pôle d’activité touristique du pays. Cependant, avant la crise nous avions établit plusieurs partenariats à l’export qui sont maintenus et en cours de préparation. Nous travaillons donc sur des livraisons en France, Sri Lanka, Maldives, Philippines, Chine, Hong Kong et Nouvelle Calédonie.

 


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