Alambics et colonnes reviennent sur le devant de la scène

Une foule d’inventions techniques ont permis le passage de l’alambic en terre cuite de Tépé Gawra (3e millénaire avant notre ère) aux immenses colonnes à distiller entièrement automatisées de notre temps.

Aujourd’hui, il reste relativement peu de traces de la diversité qui avait encore cours dans le rhum en termes d’appareils de distillation. Pourtant, plusieurs distilleries continuent à utiliser de vénérables machines, et même à mixer colonnes et alambics. D’autres vont même jusqu’à les restaurer, et à les remettre en service.

Alambics rhum

John Dore, Barbet, Vulcain, Rockley, Kettle, Stades, Coffey, Savalle… si vous êtes amatrice ou amateur de rhums, ces noms doivent forcément vous dire quelque chose et évoquent en vous des images de longues tours de métal, de lourds chaudrons en cuivre, d’élégants col de cygne (ou trompes d’éléphants), de vapeurs, et de délicieuses eaux-de-vie bien sûr.

C’est que l’histoire des spiritueux en général, et du rhum en particulier, est parsemée d’inventeurs géniaux, qui ont mis au point des alambics et des colonnes plus qualitatives et plus efficaces les unes que les autres. Certaines, peu nombreuses, sont parvenues jusqu’à nous et continuent de produire du rhum.

Les débuts de la distillation

Tout commence à Tépé Gawra en Mésopotamie (actuellement l’Irak) au 3e millénaire avant notre ère. C’est là qu’a été retrouvé le plus vieil appareil de distillation connu. Les Babyloniens avaient compris qu’en chauffant un liquide contenu dans un vase en terre surmonté d’un couvercle conique, on pouvait l’évaporer, puis le condenser.

Les bases de la distillation étaient jetées, mais on était encore loin de la distillation alcoolique. On fabriquait plutôt des baumes et des huiles essentielles grâce à ces alambics rudimentaires. Le procédé fut amélioré par les Grecs (Aristote en fait mention au IVe siècle av. J.-C.).

Il fut ensuite adopté par le monde musulman. Au VIIIe siècle, le scientifique Jabir Ibn Hayyan ou Geber serait l’inventeur (ainsi que de nombreux outils de laboratoire) d’un l’alambic (ou ‘al’inbïq’) un peu plus évolué. Considéré comme le père de la chimie, c’est aussi le premier à avoir remarqué que les vapeurs nées de la distillation de vin pouvaient s’enflammer.

D’où le mot latin d’aqua ardens ou eau qui s’enflamme, devenue aguardiente en espagnol. Al-Razi ou Rhazès, va ensuite découvrir l’éthanol autour de l’an 900, puis Ibn Sina ou Avicenne va perfectionner le procédé de la distillation vers l’an 1000. Notamment la condensation de la vapeur pour récolter ainsi le précieux liquide.

Via l’Espagne, alors sous la coupe des Omeyades et les croisades, les Européens s’emparent du procédé et Arnaud de Villeneuve, médecin et théologien, à Toulouse (1240-1311), aurait le premier distillé de l’eau-de-vie de vin. Ainsi naît l’aqua vitae, l’eau-de-vie, qui était alors utilisée comme un médicament et pas pour être bue. Mais cela allait bientôt changer.

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