Daniel G. Taytslin, l’importateur de spiritueux qui croit au destin radieux du rhum en Chine

Daniel G. Taytslin a grandi dans une famille russe. Animé par la passion pour les cocktails et spiritueux, Daniel a quitté son job de banquier. En 2013, il a créé *Gotham East*, sa société d’importation et de distribution à Shanghai, qui représente exclusivement des marques de vins et spiritueux en Chine continentale.

Daniel G. Taytslin
Daniel G. Taytslin

Jeanne Peixian Qiao : Pourquoi choisir Shanghai en Chine pour installer ta société?

Daniel G. Taytslin : Après avoir investi beaucoup de temps dans ma passion pour les cocktails, je voulais déployer un projet économique dans un pays en développement, peut-être créer une distillerie en Tanzanie…

Ma femme a déménagé à New York où j’ai pris un travail dans un grand magasin d’alcool ( plus de 10 000 références !) Et c’est finalement à Shanghai que j’ai créé ma société, en 2013. Beaucoup de marques s’intéressent au marché chinois et veulent s’y établir. Par contre, elles manquent de partenaires sur le terrain.

Le marché chinois est un mélange d’opportunités, et de risques. Surtout pour les indépendants et les artisans. Alors, *Gotham East* est née pour apporter à Shanghai, qui est une ville qui vit la nuit, la culture New Yorkaise du cocktail..

JPQ : Est-ce que ce *Gotham East City* est prêt pour accueillir le rhum?

DGT : Beaucoup de marques de rhum reconnues dans le monde entier ne le sont pas en Chine. Néanmoins, j’aimerais souligner que la Chine est comme une toile vierge. Tu peux y peindre ce que tu veux, même si tu dois produire d’énormes efforts en faire un chef-d’œuvre.

La consommation du rhum en Chine reste en demi-teinte par rapport à d’autres spiritueux fins comme le cognac ou le single malt whisky. Même si certains connaisseurs recherchent le rhum vieux dans un marché niche, la plupart des consommateurs Chinois sont surtout initiés aux rhums d’entrée de gamme (de Bacardi et Havana Club) qu’ils consomment dans les bars en cocktails.


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JPQ : Quelles sortes de rhums sont vendus par Gotham East?

DGT : Surtout des rhums d’entrée de gamme vendus à bas prix. Et pour éduquer les consommateurs, on essaie de sélectionner les marques qui représentent le style français, espagnol et britannique.

L’idée est de montrer la diversité du rhum en mettant l’accent sur l’histoire de la colonisation par les puissances européennes. Dans notre portfolio nous avons par exemple Chairman’s Reserve en style britannique ou Clément en style français.

On a travaillé avec Santa Teresa (Venezuela) en style espagnol, mais après sa signature du contrat de distribution mondiale avec Bacardi, notre collaboration s’est arrêtée. Et cette marque n’est désormais plus représentée plus en Chine.

Nous allons bientôt distribuer Charanda Uruapan (Mexique). La minéralité de leur rhum issu du sol volcanique est incroyable. Gotham East est d’ailleurs réputé pour introduire les spiritueux mexicains en Chine. On importe de la tequila, du Mezcal, mais aussi du Raicilla, du Bacanora et du Sotol.

JPQ : Selon toi, que doit faire une marque de rhum pour réussir en Chine ?

DGT : Beaucoup de producteurs ont choisi leur rhum vieux pour frapper à la porte, mais ce type de rhums reste un marché de niche en Chine. Il faut décider d’abord quel sera le produit qui deviendra une vache à lait (cash cow) et s’adapter au marché en volume.

Pour nous, c’est le rhum blanc du Chairman’s Reserve, grâce à son prix compétitif et sa qualité cohérente. L’autre chose importante, c’est que les connaisseurs n’aiment pas voir leur bouteille du rhum vieux disponible partout.

Ils aiment l’exclusivité. Il faut donc penser à créer du rhum Single Cask ou édition exclusive pour le marché chinois. Par exemple, on importe le XO et les Single Casks de Clément. Même s’ils sont plus chers, les Single Casks sont plus faciles à vendre par rapport aux XO.

Pourquoi? Parce que, fait partie fixe de la gamme du Clément, XO est disponible partout dans le monde. Tandis que les Singles Casks sont limités, réservés aux amateurs Chinois qui veulent posséder leur bouteille unique.

JPQ : Quel est selon toi l’avenir du rhum en Chine ?

DGT : Même si la taille du marché reste petite d’aujourd’hui, la nouvelle génération est de plus en plus curieuse et le sera de plus en plus dans les années à venir. Il y a toujours des questions comme « Est-ce que ce rhum marchera pour le goût chinois? » ou « Faut-il lancer une cuvée plus sucrée pour le marché chinois? ».

En effet, avec une population de 1,4 milliard de Chinois, la diversité entre les différentes provinces est énorme ! Il existe des gens qui aiment les choses douces, épicées mais d’autres préfèrent un goût plus sec, acidulé, etc. Cependant tous les nouveaux marchés de part le monde ont une appétence pour les rhums doux et ronds.

Il faut de la patience et des stratégies à long terme pour percer sur le marché chinois. C’est un marché dynamique qui demande sans arrêt de nouvelles saveurs et de nouvelles expériences que le rhum pourra satisfaire sans aucun doute ! Et je ne serais pas surpris si ce géant commençait bientôt à fabriquer son propre rhum de qualité!