Hugues Le Marié vient de reprendre l’enseigne « Les Domaines Qui Montent ». Présentation et rencontre.
Rumporter : Vous venez de reprendre l’enseigne Les Domaines Qui Montent. Avant que nous attaquions le sujet du rhum, pouvez-vous nous en raconter les contours en quelques mots ? Qui êtes vous ? Qui sont Les domaines Qui Montent ?
Hugues Le Marié : Je suis tout simplement un vigneron de 37 ans, au Château de Serres à Carcassonne, qui en parallèle de cette activité a passé une petite quinzaine d’années dans les grands groupes de vins et spiritueux. J’ai débuté ma carrière chez Remy Cointreau où j’ai rapidement eu la chance de prendre en main Mount Gay Rum comme Marketing Manager, à une époque où il y avait un sacré besoin de réveiller la belle endormie, nous allons y revenir. Après cette incroyable expérience en début de carrière j’ai rejoint à
29 ans le groupe Pernod Ricard comme Directeur Europe-Amériques des Champagnes Mumm et Perrier-Jouët. Deux marques aux tempéraments bien marqués, une formidable aventure. Puis le groupe a choisi de me confier en 2014 le poste de Vice-President Amériques de Martell, n°2 mondial de la catégorie cognac. En parallèle j’ai proposé à un de ses dirigeants visionnaire, Philippe Guettat (aujourd’hui PDG Asie de Pernod Ricard), de créer une start-up interne au groupe pour incuber une innovation révolutionnaire dans l’univers du cognac. Plus précisément la première eau de vie de vin élaborée à 100% à partir d’un Martell VSOP fini en fûts de Bourbon du Kentucky. Voici comment est né Martell Blue Swift, avec le succès que l’on connait (ndlr : Blue Swift réalise 200,000 9Lcs après 4 ans d’existence, une des plus belles réussites des spiritueux de la décennie). Enfin, avant d’arriver chez Les Domaines Qui Montent j’étais Directeur Marketing, Communication et Digital du groupe Louis Roederer (Champagne Roederer, Domaines Ott, Chateau Pichon Longueville Comtesse de Lalande..).
Une rencontre déterminante avec Emmanuel de Bodard, le fondateur de l’enseigne Les Domaines Qui Montent et également vigneron, m’a convaincu de changer de vie pour prendre la Direction Générale de cette pépite et en devenir son premier actionnaire. Les Domaines Qui Montent est un concept unique, trentenaire, qui réuni au sein de ses 30 boutiques une cave, une épicerie, une fromagerie et une table d’hôtes. L’ensemble de l’offre étant sourcé en direct auprès de petits artisans Français avec une promesse pour les vins : sur table ou à emporter la bouteille est au même prix. Les épicuriens avertis en raffolent.
Rumporter : Si nous avons envie de parler de rhum avec vous, c’est que vous avez eu une histoire intime avec un rhum de la Bardade. Pouvez vous nous raconter votre aventure avec Mount Gay ?
HL : Mount Gay c’est l’histoire de la plus belle rencontre possible au début d’une carrière. Un joyau Barbadien, la plus ancienne Maison de rhum au monde et un rhum brun le plus médaillé au monde, Mount Gay XO. Tout cette matière première était là et n’attendait qu’à être sublimée. Cela s’est traduit par un repositionnement complet de la marque vers l’univers des spiritueux bruns premium, une révision profonde de la gamme avec une nouvelle verrerie pour Eclipse et Extra Old et la création de trois nouvelles références : Mount Gay Eclipse Silver, Mount Gay 1703 et Mount Gay Eclipse Black, aujourd’hui appelé Mount Gay Black Barrel. La profondeur de cette marque, l’exigence de son savoir-faire et la gentillesse des Barbadiens vous marquent au fer rouge (ou brun !) pour de nombreuses années. Il semble que les équipes actuelles continue de travailler dans le sens initié par vous, quel avenir voyez vous à la marque.
C’est avec un immense plaisir que j’ai vu arriver Raphael Grisoni pour qu’il poursuive cette aventure. Raphaël est une personnalité pragmatique, exigeante et profondément sympathique. Il a su mieux que quiconque se faire apprécier des Barbadiens et continuer d’écrire avec eux une belle histoire. Sans surprise les chiffres ont poursuivi leur solide croissance, j’en suis évidemment très heureux. Pour l’avenir je pense que le cycle d’Editions Limitées via des finish va continuer de se développer, on ne peut donc que saluer l’initiative de Mount Gay Peat Smoke Expression, c’est très bien vu.
Rumporter : Difficile de parler de la Barbade en ce moment sans parler du débat qui fait rage sur l’indication géographique. Les avez vous suivi? Avez vous un avis sur la question et les différentes positions prises par les uns et les autres ?
HL : Je suis ce débat de loin ayant aujourd’hui un regard sur toutes les catégories simultanément. Toutefois l’initiative d’une Indication géographique va très clairement dans le bon sens. Les consommateurs ont besoin de s’identifier à un terroir dans leur acte d’achat. Chez Les Domaines Qui Montent nous avons l’habitude de dire que nous avons les pieds dans la terre et la tête dans les villes, ce lien aux origines est fondamental dans une société qui se digitalise à une vitesse vertigineuse.
Rumporter : D’une manière générale, en tant que professionnel des spiritueux au niveau international, quel intérêt voyez vous à protéger ses produits par une appellation, une IG ?
C’est fondamental dans toute la chaine agroalimentaire, bien au delà des spiritueux. Une origine c’est la garantie qu’un terroir va s’exprimer. Ceci ne doit toutefois pas être un carcan et doit autoriser le progressisme pour autant que le lieu d’origine soit respecté, le parrain de Martell Blue Swift vous dira difficilement autre chose avec ce produit qui a fortement secoué l’AOP Cognac. Donc la rigueur oui, la rigidité non.
Rumporter : Pour revenir à la France, est ce que le rhum tient une part importante dans les rayons de vos magasins aujourd’hui et envisagez vous d’agrandir cette place à l’avenir ?
HL : Le rhum et le whisky constituent le tandem de tête pour les ventes de spiritueux de nos magasins. C’est historique et ça s’amplifie encore notamment dans le rhum, avec deux type d’acteurs : les artisans (Mount Gay, Santa Teresa, Neisson..) et les séducteurs (Don Papa, Diplomatico). Les premiers répondent au besoin des amateurs éclairés, en quête de complexité, et les seconds viennent combler des profils plus néophytes, à la recherche d’émotions directes et à la gourmandise évidente.
Rumporter : Pensez vous, comme nous, que le rhum est loin d’être une mode mais au contraire une catégorie qui ne va cesser de grandir en volume et en qualité. Si oui, pourquoi ?
HL : Nous pensons également que la success story du rhum est loin d’avoir atteint son pinacle. Par-delà son accessibilité gustative le rhum a cela de merveilleux qu’il transporte le consommateur dans un univers rempli de fantasmes et de rêveries, celui des pirates, des îles, de Ian Fleming, des grandes traversées. Tout cela infuse dès l’enfance où la littérature regorge de ces récits qui font briller des étoiles dans les yeux des petits garçons et des petites filles. J’en ai encore fait le constat récemment en lisant un livre à mon fils, les pirates célébraient joyeusement leur conquête d’un trésor avec un bon tonneau de rhum. Depuis il me demande à chaque verre que je remplis : « Papa c’est du rhum ?! ».
Rumporter : Question rituel pour finir : si vous deviez emmener trois bouteilles sur une île déserte dont deux rhums (Restons open), ça serait lesquelles ?
HL : Commençons par celle qui n’est pas un rhum : je prendrais bien entendu une bouteille de mon vin car j’emmènerai ainsi mes racines avec moi. Plus précisément je choisirais une nouvelle cuvée de vin blanc du Chateau de Serres, L’Oiseau Bleu, un hommage vibrant à une très belle rencontre. Je mettrais également une bouteille de Mount Gay XO, une autre partie de moi-même et l’assurance de boire le meilleur. Puis j’ajouterai une bouteille de Neisson, pour avoir la certitude que l’élégance m’accompagne en toute occasion. Car, qui sait, si d’autres habitants me rejoignent un jour sur cette île il faudra les accueillir avec panache !