C’est un véritable coup de tonnerre. L’entreprise Les Bienheureux a annoncé le remplacement de sa marque El Pasador de Oro, qui s’était installée comme une des portes d’entrée privilégiées des nouveaux consommateurs dans le monde du rhum. Elle est remplacée par Pura Vida, via une association avec la sucrerie-distillerie Taboga au Costa Rica (exit le Guatemala donc).
Une nouvelle gamme, qui s’annonce beaucoup plus complexe que la précédente (avec du pur jus de canne, du miel de canne, de la mélasse, des assemblages, de la colonne, de l’alambic…) est en train de se structurer. La marque Embargo quant à elle poursuit son chemin, avec du rhum costaricien au lieu du rhum guatémaltèque.
Rencontre avec Olivier Dumont, maître de chai pour Les Bienheureux
Pourquoi avoir mis fin à votre aventure guatémaltèque ?
Nous avons voulu répliquer le fonctionnement que nous avons mis en place avec nos whiskies, où nous maîtrisons la production de nos whiskies charentais. Le problème avec le Guatemala, où nous sourcions nos rhums pour notre marque El Pasador de Oro (et en partie pour Embargo), c’est que nous n’étions pas libres de créer nos propres produits.
On achetait des bases de rhum que l’on retravaillait ensuite, mais on ne pouvait pas vraiment intervenir sur le processus de production. De plus, nous n’avions pas l’exclusivité sur ce rhum, ce qui laissait la possibilité à d’autres de nous copier.
Enfin, le Guatemala est un pays instable, qui est miné par la corruption, avec de très fortes inégalités, bref un pays qui ne correspond pas vraiment à nos idéaux. Nous voulions travailler dans un pays libre et démocratique.
Où avez-vous trouvé ce pays ?
Il y a déjà quelques années, nous nous sommes donc mis à la recherche d’un endroit où on se sente bien, avec des gens sympas avec lesquels travailler. On voulait un pays qui a de la canne à sucre, mais pas ou peu de marques de rhum, et on a trouvé le Costa Rica, un pays démocratique, stable, riche de ressources naturelles, touristique, où il fait bon vivre…
Il est même pacifiste, il a aboli son armée en 1949. Il met l’accent sur trois axes : la santé, l’éducation et l’environnement. Et ¼ du pays est préservé dans un parc national ! On sent que les gens y vivent bien.
Avez-vous acheté ou créé une distillerie ?
Il y a un monopole d’État sur la production d’alcool. Historiquement, il s’est mis en place pour mettre fin aux dérives lorsque tout le monde avait le droit de distiller pour sa propre consommation. Malheureusement, c’était devenu un problème de santé publique et l’Etat a dû intervenir.
Nous nous sommes donc associés avec l’une des plus grosses sucreries du Costa Rica, qui est un acteur privé, pour produire du rhum. Il s’agit de Taboga. La distillerie est déjà en place. Il y a une partie industrielle qui produit de l’alcool neutre et une partie plus artisanale avec un pot still de 50 hectos muni d’une colonne de rectification qui fonctionne à la vapeur. Elle est autonome en énergie grâce au brûlage de la bagasse.
La matière première vient donc du Costa Rica ?
Toute la matière première provient de la propriété. Ce qui n’est pas le cas dans l’univers des rhums de mélasse où bien souvent la matière première est importée.
Que va devenir El Pasador de Oro ?
On remplace la marque El Pasador de Oro par la marque Pura Vida, tout en gardant notre belle carafe. « Pura Vida », c’est la devise du pays !
C’est un sacré pari de faire disparaître une marque qui marchait bien !?
C’est un pari, mais on y croit tellement que le risque est très limité. Le rhum Pura Vida provient donc à 100 % de la distillerie Taboga au Costa Rica. Évidemment on est dans les mêmes registres organoleptiques que Pasador, mais l’idée est de tracer un nouveau chemin.
Concernant la marque Embargo, qui est composée de trois origines (Trinidad, Martinique, Guatemala), le rhum du Costa Rica remplace simplement ce dernier. En fait, cela a commencé depuis début 2024. À part cela, la gamme Embargo reste la même.
Comment la gamme de Pura Vida va-t-elle se structurer ?
El Pasador de Oro XO et El Pasador de Oro Gran Reserva fusionnent pour s’appeler Pura Vida XO. Lorsque nous sommes allés pour la première fois visiter la sucrerie, elle venait de commencer à produire du rhum.
Les rhums sont donc élevés sur place. Ils possèdent une forte personnalité avec toujours du fruit, de la gourmandise et de la finesse mais avec un esprit plus terroir et plus complexe, tout en restant accessible.
El Pasador de Oro Pasión est remplacé par Pura Vida Pasión. Et il y a une nouveauté qui s’appelle Puro, c’est une réserve spéciale en quantité limitée. C’est un rhum pur jus de canne, un ovni dans le rhum « hispanique ».
Cette pépite a été distillée avec le pot still, et ensuite vieillie 100 % en ex-fûts d’oloroso. Pura Vida Puro sort à 48 % brut de fût. Cette cuvée montre le potentiel de ce qu’on veut faire avec cette nouvelle marque.
Et que nous réserve l’avenir ?
En fait, on a la possibilité de travailler trois matières premières : le pur jus de canne, le miel de canne et la mélasse. Pour le moment, on est sur des fermentations assez courtes de trois jours, mais on est encore en phase d’expérimentation et on pourrait aller plus loin dans le futur.
On peut faire du rhum très aromatique en pot still, mais aussi du rhum plus léger dans les grandes colonnes de partie industrielle de la distillerie. On a même travaillé des rhums légers distillés en colonne en les distillant à nouveau en pot still. Une double distillation continue et discontinue donc.
Cela donne une base intéressante, très propre, mais aromatique. Elle permet d’alimenter la marque Embargo notamment. Pour le moment, le XO de Pura Vida est réalisé en assemblage de ces différentes possibilités.