Mis au point grâce à des cannes à sucre qui poussent chez les Arts Verts à Toreilles dans les Pyrénées- Orientales, ce rhum 100 % catalan en est bientôt à son second batch. Ses créateurs Nicolas Paye et Daniel Rouffart entendent bien s’améliorer au fil des millésimes et pourquoi pas dans le futur sortir des monovariétaux et des vieux. À suivre de près !
Comme souvent la distillation est une histoire d’amitié. Celle de Nicolas Paye et Daniel Rouffart a commencé sur les bancs du Lycée Clos Banet à Perpignan dans les Pyrénées-Orientales, où ils suivaient un cursus de mécanismes et automatismes industriels.
À l’issue de leurs études, les deux amis ont une idée en tête : monter une brasserie, mais sans que cela ne dépasse le stade du projet. Ils commencent donc chacun une carrière de leur côté dessinateur industriel.
Ce jusqu’à ce que Nicolas ait l’opportunité d’effectuer une reconversion en 2019. «Mais déjà à cette période, il commençait à y avoir beaucoup de brasseries de bières artisanales, se souvient-il. Donc avec Daniel, on a choisi les spiritueux, puisque lui était amateur de rhum et moi de gin. »
Las, entre le moment où on prend une décision et celui où elle se matérialise, il y a souvent un temps plus ou moins long. Dans ce cas, il sera plutôt long, puisque leur distillerie Nitos, n’a commencé à fumer qu’il y a un peu plus d’un an et demi. C’est que l’affaire plus compliquée qu’il n’y paraît sur le papier, avec nombre d’étapes administratives et réglementaires (local, alambic…) à passer.
DES GINS LOCAUX
La distillerie s’installe néanmoins à Claira (66530), dans un ancien moulin à eau, et elle s’équipe d’un alambic à bain-marie Holstein de 150 litres. En 2022, Nicolas et Daniel (qui a continué de travailler à côté) sortent donc leur premier gin, puis plusieurs, ainsi qu’une liqueur. «J’aime les gins de type hollandais.
Je voulais quelque chose de lisible, et ne pas entrer dans la course à celui qui met le plus de plantes, précise Nicolas. Donc on a opté pour de l’alcool de genévriers avec chaque fois un ingrédient qui vient de la région : amandes douces du Roussillon, miel (pour le gin de Noël vieilli en fût de chêne), poncire collioure (un agrume endémique de la côte Vermeille qui ressemble à un gros cédrat, et est entre le citron et le pamplemousse). Pour ce dernier, on utilise les zestes pour le gin, et la pulpe et le jus pour la liqueur. »
LE PREMIER RHUM PUR JUS DE CANNE CATALAN
Voilà donc pour le gin, mais le rhum dans tout ça ? Eh bien figurez- vous qu’il s’agit d’un des rares rhums de pur jus de canne métropolitains, puisqu’il existe celui de Guillaume Ferroni à Hyères (Var), et que la distillerie U Massicciu projette d’en faire un Corse.
En tout cas c’est bien le premier rhum 100 % catalan, 100 % bio. Pour faire du rhum de pur jus de canne, il faut des cannes à sucre. Et cela tombe bien puisqu’il en pousse à quelques kilomètres de la distillerie sur un hectare!
À Torreilles, Les Arts Verts cultive en effet des fruits exotiques, des épices, des condiments, et donc de la canne à sucre depuis plus de 20 ans. « Jusqu’ à présent, ils produisaient du jus de canne, mais ils cherchaient des distillateurs proches, et cela tombait bien puisque nous on cherchait à faire un rhum», raconte Nicolas.
C’est ainsi que les cannes bourbon non hybride, les big tanas, les tamaras, et autres cannes noires (d’autres variétés sont actuellement sont en test)… ont été pressées, puis fermentées (entre 10 et 20 jours selon la période et taux de Brix) avant que le vesou ainsi obtenu ne soit distillé. «Le niveau d’alcool à la sortie de l’alambic dépend du niveau de brix qu’on arrive à obtenir, mais ça peut sortir à 80 %, explique Nicolas. Pour le premier batch, on a réduit à 41 %, mais pour le second on prévoit un degré plus élevé. On a eu des retours de la part d’amateurs de rhum, ce qui va nous permettre de nous améliorer.»
UN JOUR DES MONOVARIÉTAUX ET DES VIEUX ?
Car l’ambition de Daniel et Nicolas n’est pas de venir concurrencer les gros producteurs de rhum des DROM, juste de trouver leur style et de proposer un très bon rhum catalan, bio et pur jus de canne.
Et peut-être un jour de sortir des rhums monovariétaux, ou des rhums vieux. En attendant, si vous êtes dans les environs de Claira en décembre, la prochaine «campagne» de coup et de distillation devrait avoir lieu en décembre, selon le temps qu’il fera d’ici là.
Sinon, Nitos étant aussi bouilleur de cru, n’hésitez pas à leur apporter de la matière première (cerises, abricots, melons, vin…) Daniel et Nicolas auront à cœur de la sublimer en une belle eau- de-vie.