C’est un fait : le rhum ne cesse de gagner en popularité et le nombre d’ouvrage sur le sujet se multiplie pour notre plus grand bonheur. C’est au tour de Fabien Humbert, bien connu des lecteurs de Rumporter pour ses interviews de grands dirigeants et l’actualité économique du rhum. Une « véritable encyclopédie de poche » comme le dit Alexandre Vingtier en préface : l’histoire, la production, les différents rhums, comment choisir et déguster un rhum, allant même jusqu’au décryptage des étiquettes… Le tout superbement illustré. Fabien nous présente son ouvrage : « Rhum » tout simplement.
Adrien Bonetto : Fabien, tu as écrit un ouvrage intitulé : « Rhum » peux-tu nous le présenter ?
Fabien Humbert : Eh bien c’est un livre sur le cognac… je rigole ! Il s’agit de rhums bien sûr. J’utilise à dessein le pluriel parce que j’ai essayé d’y représenter ce spiritueux si cher à notre cœur chez Rumporter, dans toute sa diversité. Les rhums des DOM y figurent en bonne place, mais pas seulement. Une bonne part du livre est consacrée à l’histoire du rhum, de ses ancêtres (tafia, guildive…) ou de ses cousins (cachaça, grogue, clairin…). C’est important de savoir d’où vient le rhum avant d’analyser où il est et où il va. On y apprend aussi comment les différents rhums sont produits, comment acheter en toute connaissance de cause… On y parle bien sûr de dégustation, mais ce n’est pas aussi spécialisé que 120 rhums, le livre d’Alexandre Vingtier par exemple… Bref achetez-le et vous verrez bien !
AB : Un mot sur le titre ? 🙂
FH : Avec mon éditrice Léa Delourme on a un peu planché sur la question, j’avais proposé « Tous les chemins mènent au rhum » pour rigoler, heureusement ça n’a pas été retenu… Finalement c’est ce titre, simple et efficace, qui l’a emporté.
AB : Comment s’est faite ta sélection de rhums ?
FH : Il y a quelques rhums mis en avant, mais ce n’est pas un livre qui a l’ambition de présenter les meilleurs d’entre eux. L’idée était pour chaque type de rhums (blancs, vieux, guadeloupéens, martiniquais, millésimés…), de proposer quelques références représentatives, pas trop difficiles à se procurer depuis la France et pas trop onéreuses. Sinon pour ce qui est des points dégustations (qui aident à comprendre les différents types de rhum), j’ai dégusté des rhums avec Dugas, ou La Maison du Whisky pour avoir un échantillon assez large, sans oublier un passage au Rhum Fest 2019 !
AB : Il y a également 10 recettes de cocktails, pourquoi ce choix ? Et comment as-tu sélectionné ces recettes ?
FH : Le rhum est quand même beaucoup bu en cocktail à travers le monde, donc on ne pouvait pas passer à côté. J’ai sélectionné les plus connus et les pus simples à réaliser. J’ai demandé quelques conseils à Baptiste Bochet aussi. Après l’idée c’est de piquer la curiosité du lecteur ou de la lectrice pour qu’il ou elle aille plus loin dans la connaissance des cocktails à base de rhum, fassent des expérimentations…
AB : Combien de temps pour écrire cet ouvrage ?
FH : Ça m’a pris plusieurs mois, mais pas à plein temps. Comme je suis journaliste pigiste, il fallait aussi que je rende les articles qu’on m’avait commandé par ailleurs. J’ai terminé de l’écrire pendant le confinement, à un moment où l’activité était beaucoup moins importante pour moi. J’ai adoré ça en tout cas.
AB : D’où proviennent tes sources ? Quelles sont les personnes qui t’ont inspiré/aidé pour rédiger ce livre ?
FH : Une bonne partie des informations du livre viennent des interviews que j’ai réalisé depuis 6 ou 7 ans que j’écris sur rhum pour Le Nouvel Economiste puis Rumporter. Elles viennent donc d’experts comme Alexandre Vingtier, de nombreux producteurs de rhum, de représentants de la filière… J’ai aussi beaucoup lu, notamment les articles de Matthieu Lange, et agrégé les informations que je trouvais pour les restituer au mieux à un public non averti.
AB : Tu parles de « décryptage d’étiquettes », la transparence est-elle primordiale pour un producteur ? ou tend-elle à le devenir ?
FH : Il faudra lire le prochain Rumporter, j’y écris un article sur le sujet ! Disons quand même, que la transparence sur les étiquettes est à mon avis une nécessité absolue. Il ne faut pas se cacher derrière le secret professionnel, mais expliquer aux gens comment sont produits les rhums. Ajouts d’arômes, édulcoration, changement de la couleur, degré alcoolique… tout est possible, du moment que c’est transparent. C’est pourquoi j’insiste sur ces points dans le livre. En Europe, la réglementation est assez limpide, et ailleurs dans le monde, les choses progressent, notamment dans la zone caraïbe ‘anglaise’.
AB : Tu parles également brièvement des collectionneurs, ne participent-ils pas au « sujet qui fâche » : la spéculation ? D’ailleurs quel est ton avis sur le sujet ?
FH : Il existe une spéculation dans le rhum, mais soyons honnête ce n’est rien par rapport à celle qui touche le vin et le whisky. Des fonds d’investissement se montent autour de bouteilles de vin ou de whisky, des arnaques fleurissent pour pousser des particuliers à investir pour mieux les dépouiller ensuite, et les contrefaçons se multiplient. Pour l’instant ces phénomènes délétères ne touchent que peu le rhum, mais soyons vigilants.
AB : Quel est ton regard sur le marché actuel, et sur l’avenir du rhum ?
FH : Le marché du rhum se porte plutôt bien, mais il est tiré par des boissons qui ne sont pas forcément légalement du rhum en Europe. Parce qu’on y a rajouté des arômes ou des fruits. Notamment les épicés et les arrangés. Ils peuvent être une bonne porte d’entrée vers des rhums de dégustation cependant. Sinon au niveau mondial, le rhum est toujours surtout consommé en cocktail, mais les marques multiplient les éditions travaillées (millésimes, small batch, finitions, single cask…) et c’est très excitant. Pour ce qui est des rhums français, ils sont désormais reconnus comme des produits d’exception par les connaisseurs, mais peinent encore à conquérir les marchés internationaux. Mais ça viendra !
AB : Tu en fais régulièrement écho dans le magazine : le développement durable. Les producteurs sont-ils « obligés » d’être éco-responsable ?
FH : En Europe oui, car la réglementation les y oblige. Il faut dire aussi que vivant souvent dans des îles, les producteurs font attention d’eux-mêmes à la façon dont ils peuvent préserver leur environnement. Le rhum est intéressant parce que beaucoup a été fait en matière de traitement des déchets (vinasse, bagasse…), d’économies d’énergie… A l’international, il y aussi une prise de conscience. Au niveau social, il faut rappeler que les rhums Français sont produits par des travailleurs dont les droits et les salaires sont préservés, ce qui n’est pas toujours le cas à l’international.
AB : Un mot sur les rhums Bio ?
FH : La question du bio est à mon avis incontournable. Pour le moment les consommateurs ne s’intéressent qu’à la marge aux rhums bio, mais on sent que la préoccupation monte et bientôt cela deviendra véritablement différenciant pour les marques qui ont fait l’effort de passer en bio. Il existe aussi des rhums bio ailleurs, mais n’étant pas allé sur place pour vérifier ce qui se fait, je ne peux pas vraiment en parler…
AB : Quels sont les rhums qui t’ont marqué ?
FH : Un des intérêts du livre est qu’il a été écrit par un journaliste parisien (eh oui ce n’est pas une insulte!), c’est-à-dire vivant dans une région non productrice ou presque (il y a trois petites distilleries en Ile de France). Ça m’a permis, j’espère en tout cas, de parler du rhum en général et non pas de rhums en particulier. Après, j’ai mes goûts comme tout le monde. Peut-être par déformation professionnelle, je suis particulièrement intéressé par les rhums blancs premiums qu’on peut déguster purs parce que c’est ce qui se rapproche le plus du produit initial, la canne.
« Rhum » par Fabien Humbert
285 pages
24,95€
Parution le 07/10/2020
Éditeur : Hachette