S’il y a un personnage incontournable dans le monde du rhum, c’est bien Luca «Ruruki» Gargano ! La mise sur les marchés français et européen de nouveaux Yardies embouteillés par la société génoise a été l’occasion, pour nous, d’en savoir un peu plus sur la relation qu’entretient Ruruki avec l’une des plus belles îles caribéennes …
Damien Sagnier : Bonjour Luca. En rhums, la société Velier s’est principalement fait connaître grâce à son travail de sélection au sein de DDL (Demerara Distilers Limited). Quelques temps plus tard vous vous êtes envolés vers Trinidad afin de vous lancer dans la fameuse aventure Caroni, puis vient Marie-Galante avec Rhum Rhum, Haïti avec les Clairins et maintenant la Jamaïque ! D’ailleurs, vous faites souvent le parallèle entre ces deux dernières îles. Racontez-nous votre première fois sur le territoire du reggae.
Luca Gargano : Avant tout, il faut dire que je ne suis pas un simple embouteilleur indépendant. Depuis le début, c’est-à-dire en 1991, quand avec Bally nous avons fait embouteiller le Bally 1970 Reserve Cantarelli, puis quand en 2000, j’ai découvert le Damoiseau 1980, et par la suite avec toutes les sélections de single marks Demerara, j’ai toujours travaillé dans le but de valoriser les produits des distilleries.
J’ai été le premier à faire embouteiller des rhums en single casks et single marks, souvent en barrel proof et en vieillissement tropical. Je me suis donc posé de façon complétement opposée à celle des independent bottlers classiques, qui pour certains n’ont jamais mis les pieds aux Caraïbes, mais qui ont toujours acheté par email leurs produits en Europe. J’ai créé une relation complètement différente avec les producteurs, qui pendant ces années ont appris à me connaître et ont apprécié mon travail de valorisation de leurs produits.
Après donc une fréquentation de 40 ans ds Caraïbes, j’ai l’honneur de faire mon travail de découvreur de talent en allant dans les entrepôts afin de chercher des expressions uniques. C’est un plaisir et même un devoir d’embouteiller des eaux-de-vie comme celles-là, afin de faire comprendre que les pure single rums et les single blendeds sont des produits artisanaux de haut niveau, qui peuvent facielement assumer la comparaison avec les plus grands distillats.
La Jamaïque est la dernière île que j’ai découverte, visitée et explorée pendant mon « nomadisme entre les barriques ». Quand je suis rentré dans le capital de Velier en 1983, le seul rhum de Jamaïque commercialisé en Italie était Appleton ; Worthy Park était temporairement fermé et Long Pond, Monymusk ainsi que Hampden vendaient seulement en bulk.
Appleton était historiquement importée par Soffiantino, une ancienne maison d’importation de Gênes qui fut ensuite achetée par Wax & Vitale. Ma famille était en relation amicale avec Soffiantino, je n’avais donc pas de raison d’aller empiéter en Jamaïque. Je n’ai posé les pieds sur cette île magnifique qu’au début des années 2000, et quand, en 2005, Worthy Park a recommencé à distiller, je me suis immédiatement mis en contact épistolaire avec eux.
Et c’est seulement après 2010 que j’ai commencé à voyager souvent en Jamaïque. Je dois dire que, hors des lieux touristiques, c’est toujours une île authentique, qui a gardé sa culture spécifique et qui est donc, comme Haïti, une île où je me sens encore vraiment aux Caraïbes.