Frédérique Chartrand, créatrice et photographe culinaire, invite dans cet ouvrage tous les amateurs de cuisine à découvrir le rhum autrement. Un ingrédient incontournable bien sûr pour un baba ou une crêpe Suzette mais surtout un excellent booster de saveurs pour des plats salés et mijotés ainsi que des grands classiques de la pâtisserie. Cette jeune Québécoise nous raconte ses aventures aux fourneaux avec le rhum.
Laurence Marot : Quel a été votre premier contact avec le rhum ?
Frédérique Chartrand : A l’occasion d’un voyage en Guadeloupe il y a trois ans, j’en ai gardé un souvenir mémorable. J’ai adoré l’étonnante association entre le rhum, la pulpe du fruit de la passion et le citron vert dans un paysage exotique au moment d’un coucher de soleil.
LM : Votre livre est l’un des premiers ouvrages de cuisine plaçant le rhum comme un véritable ingrédient, ce projet a-t-il été complexe à réaliser ?
FC : J’avais réalisé un premier ouvrage sur le rhum arrangé La rhumerie pirate, vendu sous forme de coffret chez Marabout qui avait bien marché. Pour ce nouveau projet, l’idée principale reposait sur la démarche d’intégrer le rhum au quotidien dans la cuisine, d’utiliser cet alcool comme un support pour révéler les autres saveurs des différents plats. Mon travail de créatrice culinaire consiste à réfléchir de façon abstraite sur la cuisine, alors avec ma collaboratrice Anne Faubeau, nous avons fait un important travail de brainstorming (ndlr : ou remue-méninges) avant de démarrer les tests. Pour chaque recette, je devais trouver le juste équilibre. Je ne visais pas une cuisine exotique, au contraire cela marginaliserait le rhum. J’ai évidemment choisi les classiques utilisant cet alcool de canne à sucre tels que le baba au rhum et le gâteau nantais et des créations inspirées de plats et desserts de tous les jours revisités au rhum. A la fin de la réalisation de cet ouvrage, j’ai constaté que le rhum s’accorde avec de nombreux plats et produits, et qu’il est facile d’utilisation. Il prend la place d’un ingrédient à part entière. Aujourd’hui, je dois vous avouer que c’est devenu un réflexe de l’utiliser dans mes recettes.
LM : Quelle a été votre démarche pour sélectionner le rhum dans vos recettes ? Utilise-t-on un type de rhum pour un certain type de plats ?
FC : Mon objectif était d’imaginer un livre de cuisine accessible avec des ingrédients facilement disponibles car mon éditeur Marabout vise un lectorat grand public. J’ai acheté des rhums en grande surface en sélectionnant dans un second temps les rhums les plus adaptés à mes recettes. J’ai étudié les différentes méthodes de fabrication de cet alcool pour définir quel type de rhum pour quel type de recette. Je suis partie uniquement sur un rhum agricole, un rhum pour moi de qualité qui respecte l’authenticité et la tradition de sa culture. Ensuite, j’ai défini trois variétés de rhum à intégrer dans mes recettes. D’abord, le rhum blanc : son côté cristallin et aérien matche parfaitement avec du poisson, les fruits et les mollusques comme la recette du tartare de Saint-Jacques aux fruits de la passion, vanille et rhum. Ensuite, le rhum ambré, un alcool passe-partout, plus épicé, plus rond. L’ingrédient idéal pour des plats salés. Et enfin le rhum vieux, que je déconseille fortement de chauffer, l’arôme de ce précieux liquide à haute température disparaît. Je propose en simple accompagnement avec un sorbet cacao au vieux rhum.
LM : On pense généralement au flambage ou au glaçage avec le rhum, quelles autres techniques culinaires avez-vous exploité avec le rhum ?
FC : En effet, je suis sortie de l’usage traditionnel du glaçage avec le baba au rhum et du flambage mais qui a l’avantage de faire disparaître toute trace d’alcool. N’oublions pas que le rhum est un alcool, j’ai cette contrainte de faire attention à son utilisation, spécialement pour les enfants. Dans cet ouvrage, j’ai joué sur un terrain inconnu avec de nombreuses techniques peu vues avec du rhum dans la cuisine. La caramélisation, une vrai réussite car le rhum apporte plus de parfum et de complexité que le sucre. Le braisage d’une pintade où la chair est immergée au 3/4 dans le rhum et cuite à faible température. Autre exemple, en bouillon pour un risotto. Une belle profondeur en bouche !
Et bien sûr je peux encore vous citer d’autres méthodes exploitées dans ce livre qui fonctionnent très bien : la marinade, la macération, version sirop ou gelée, pour laquer ou sauter une viande ou intégrer dans un appareil pour gâteau. Il reste une exception, la technique de sangler pour créer des glaces, c’est-à-dire transformer une crème à base de rhum, cela reste du domaine de l’impossible avec des électroménagers non professionnels. Bref, je me suis vraiment régalée en travaillant sur ce livre.
Cuisiner au Rhum de Frédérique Chartrand aux Editions Marabout – Prix : 12,90 €