Une innovation de l’Université d’East London pourrait donner des débouchés aux énormes quantités de bagasse produites par l’industrie sucrière et du rhum. Mais cela ne risquerait-il pas d’enlever à la filière rhum tout ou partie de sa ressource énergétique préférée ?
On utilise la bagasse (résidu fibreux du pressage de la canne à sucre) en protection pour les sols, en source d’énergie, ou en matériau pour produire des contenants (même des bouteilles), voilà qu’une université londonienne se propose de s’en servir comme matériau de construction pour le bâtiment. Une manne qui serait particulièrement intéressante pour les pays du sud. Explications.
Verra-t-on bientôt des écoles, des immeubles, des casernes, bref des bâtiments construits en bagasse ?
Cela pourrait bien se produire dans un futur pas si lointain, car les équipes de l’Université d’East London et des organisations leaders du secteur Grimshaw et Tate & Lyle Sugars, se sont associées pour créer un matériau de construction à 100 % issu de la bagasse de canne à sucre.
Ce nouveau matériau baptisé Sugarcrete TM a été mis au point sous forme de prototype, à l’aide d’une modélisation numérique avancée et d’une fabrication robotique. Il présente des propriétés mécaniques, acoustiques, ignifuges et thermiques de haute qualité, et a été testé selon les normes de l’industrie pour la résistance au feu (ISO 1716:2021), la résistance à la compression (ASTM C39), la conductivité thermique (méthode Hot-Box) et la durabilité (BS EN 927-6). Les essais ont montré des résultats prometteurs pour l’utilisation de Sugarcrete TM comme panneaux isolants, blocs légers, blocs porteurs et plaques structurelles de plancher et de toit.
Réduire la teneur en acier et le béton
La plaque Sugarcrete TM permettrait de réduire la teneur en acier de la dalle jusqu’à 90 %. La réduction de l’acier, combinée à l’utilisation de fibres de canne à sucre de différentes densités dans un système modulaire, permet à l’assemblage de la dalle d’éviter les risques potentiels de fissuration qui se produisent avec le béton traditionnel dans des situations extrêmes, en absorbant les effets du choc sismique – une caractéristique vitale dans les régions sujettes aux tremblements de terre où la canne à sucre est cultivée. Sagarcrete produit de plus des émissions de carbone 20 fois inférieures au béton traditionnel.
Le système minimise également le temps de durcissement à une semaine par rapport au béton standard qui prend au moins 28 jours, il est cinq fois plus léger que le béton et est nettement moins cher que la production de béton.
Une solution pour les pays producteurs de canne à sucre ?
Les partenaires du projet identifient des sites dans les pays du sud producteurs de sucre où le prototype Sugarcrete TM Slab sera ensuite testé en collaboration avec des ONG locales. La clé de la recherche est de développer une technologie et un résultat de production qui utilise les biodéchets de canne à sucre dans son contexte local – la minimisation des coûts de transport pour les producteurs locaux permet à la production localisée de fabriquer des matériaux de construction « vernaculaires » radicalement nouveaux, abordables et à très faible émission de carbone qui peut créer de nouvelles sources de revenus via l’exportation vers le Nord.
Pour rappel, la canne à sucre est la culture la plus importante au monde en termes de volume de production. La transformation de la canne à sucre pour produire du sucre génère suffisamment de produits pour remplacer entièrement les systèmes de construction à forte consommation d’énergie tels que le béton ou la brique. La croissance de la canne à sucre fournit l’un des moyens de conversion CO2 en biomasse la plus rapide disponible, jusqu’à 50 fois plus efficace que la foresterie. Dans l’industrie du rhum, elle sert (une fois débarrassée de son humidité et réduite en miettes), de combustible pour les distilleries, ou d’amendement pour les sols.