[Rhum en Asie] Antoine Poircuitte, co-créateur des rhums Sampan et de la Distillerie d’Indochine (Vietnam)

Rencontre avec Antoine Poircuitte, co-créateur des rhums Sampan et de la Distillerie d’Indochine au Vietnam.

Sampan Antoine Poircuitte

Comment vous est venue l’idée de produire du rhum ?

Ça a été un long processus. Je suis un peu tombé dans les spiritueux quand j’étais petit. Mes deux grands-parents paternels (Franche-Comté, surtout de l’alcool de cerises) et maternels (Lorraine, essentiellement de la mirabelle) étaient paysans et bouilleurs de cru. J’ai fait ma première distillation à 10 ans. Et même mon nom vient de la distillation d’alcool de poire !

Quel a été votre parcours ?

J’ai fait des études de commerce, puis j’ai travaillé dans le commerce des vins et spiritueux. Je suis arrivé au Vietnam en 2008, où je suis resté 3 ans. Puis j’ai fait Hong Kong pendant 3 ans, et j’ai intégré le groupe Marie Brizard, à Shanghaï. J’ai mis de l’argent de côté et je me suis lancé avec mes deux associés Yann et Julien.

Pourquoi avoir choisi l’Asie du Sud-est et le Vietnam pour vous implanter ?

Je voulais me rapprocher de la terre mère de la canne à sucre, qui vient de Papouasie–Nouvelle-Guinée. Et au Vietnam il y a 300 000 hectares de champs de canne avec une soixantaine de variétés et une super qualité. En 2017, j’ai visité pas mal d’exploitations et fait des analyses de sols et de canne à sucre. Le sol est très pur, ce sont d’anciennes forêts transformées en champs, avec une belle terre, pas de pesticides…

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Comment s’est passé le contact avec les paysans locaux ?

Établir des relations de confiance avec des personnes, ça prend du temps au Vietnam. Mais on y est arrivé et on a des projets ensemble. Je leur ai par exemple proposé un projet de coopérative. J’aimerais aller plus loin dans la culture : arrêter le labour, développer le vivant du sol. J’ai une vision à très long terme. Mes cultivateurs me prêtent 1 hectare de culture où je vais pouvoir développer une culture 100 % naturelle. Bio, pas de nutriments apportés… bref développer un rhum issu de l’agriculture naturelle.

Comment se fait la culture de la canne à sucre ?
La canne pousse pendant la saison des pluies et on la récolte pendant la saison sèche. De février à août. On utilise une variété endémique du Vietnam et du sud de la Chine. Donc Sanpan est un rhum monovariétal et millésimé. La distillerie est à 50 km des champs de cannes. Elles sont coupées à la main la veille en fin d’après-midi et sont pressées dans un délai de maximum 24 h pour garantir la fraîcheur, éviter l’oxydation et les bactéries dans le jus de canne. Pendant la campagne, on passe 8 tonnes de cannes par jour, 6 jours par semaine.

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Quid du processus de production ?

On n’effectue qu’une seule presse, sans » imbibition.Ca nous permet de produire 4000 litres de jus par jour. Le jus est mis en fermentation en cuve ouverte thermorégulée. La fermentation est relativement longue, en moyenne 5 jours, et se fait grâce à des levures développées à partir de mélasse de canne à sucre. La distillation se fait dans une colonne de 11 plateaux d’extraction et 2 plateaux de concentration. Elle est 100 % en cuivre et faisait auparavant de l’armagnac. Elle s’appelle Odette !

A combien sort le rhum ?

En théorie on peut faire 1000 l d’alcool à 70 % en 24 heures. En réalité, 3000 litres par semaine. Entre 70 et 72 %. Après la distillation, il y a un premier repos pendant 3 semaines. Puis la réduction au goutte-à-goutte commence. Elle dure de 6 à 8 mois. Il s’écoule donc 9 mois entre le pressage et la mise en bouteille. Rien n’est ajouté, à part de l’eau pour faire baisser le niveau alcoolique de nos références : 43, 54 et 65 %.

Et le vieillissement ?

Nous disposons d’une majorité d’ex-cognac, quelques ex-bourbon, quelques barriques particulières… Nous avons 120 barriques en vieillissement et 226 qui arrivent. Un nouveau chai va être construit sur le site.

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Quelles sont les nouveautés à venir ?

On travaille sur pas mal de nouveautés, comme un brut de colonne, un finish en ex-fûts de porto, ou une cuvée avec une fermentation de 15 à 20 jours. Et d’ici la fin de l’année, je vais lancer un autre rhum sous une autre marque à base de mélasse. Ainsi, à la fin de la campagne de la récolte de la canne à sucre, la colonne servira à distiller de la mélasse.

Le marché du rhum est-il porteur au Vietnam ?

Le marché vietnamien se développe bien, notamment auprès des hôtels et restaurants. Ou encore les bars à cocktails qui se développent énormément. Le site se visite et on accueille beaucoup de monde. On fait aussi des assemblages uniques pour quelques clients haut de gamme pour les hôtels et restaurants.


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