Interview – Alexandre Gabriel : « À l’aveugle, on reconnaît le rhum fidjien parmi mille autres, et c’est aussi pour ça qu’on adore. »

L’hyperactif boss de Planteray nous en dit plus sur le partenariat qui le lie à Rum Co. Of Fiji, et sur son amour des rhums fidjiens.

rhum fidji
Alexandre Gabriel et Soneel

Quelle est la nature du partenariat entre Planteray et Rum Co. Of Fiji ?

Le partenariat entre Planteray et Rum Co. of Fiji repose sur une relation de longue date fondée sur l’échange et le partage de savoir-faire. Rum Co. of Fiji est l’une des distilleries avec lesquelles nous collaborons, au même titre que Saint-Aubin à Maurice ou Fortin au Paraguay.

Nous ne sommes ni propriétaires ni actionnaires, mais nous travaillons ensemble depuis plusieurs années et entretenons cette amitié depuis longtemps. Cette collaboration se traduit par des échanges techniques et logistiques : nous partageons nos connaissances sur le rhum, explorons ensemble de nouvelles approches et procédés, et menons des expérimentations, notamment sur l’élevage, en mettant à disposition des fûts spécifiques.

Plus récemment, nous avons également ouvert un petit atelier de chaudronnerie en Charente, accessible à nos partenaires pour des travaux spécialisés. Nous avons un partenariat exclusif avec Rum Co. of Fiji, ce qui signifie que lorsqu’ils commercialisent du rhum en dehors des embouteillages de leur marque, c’est exclusivement à Planteray qu’ils le vendent.

Nous partageons une vision commune du rhum avec l’équipe de Rum Co. Of Fiji : au-delà d’un simple spiritueux, il s’agit d’un produit porteur d’identité et d’histoire, reflet d’un savoir-faire et d’un terroir. Notre travail avec Fidji illustre bien cette approche.

Pourtant, on trouve quand même des produits estampillés Rum Co. Of Fiji chez des embouteilleurs indépendants.

En effet, mais ils proviennent souvent de stocks constitués chez des brokers, avant la signature de notre partenariat avec Rum Co. of Fiji, qui date d’il y a cinq ans.

Comment s’est noué ce partenariat ?

Notre partenariat avec Rum Co. of Fiji est avant tout une histoire de rencontre et de passion commune pour le rhum. C’est Liam Costello, maître distillateur à l’époque – que nous allons d’ailleurs honorer dans notre collection des Extrêmes Planteray « Legends of Rum » (sortie en juillet 2025) – qui a initié cette collaboration.

Lors d’une masterclass à Hong Kong, il est venu me voir et m’a simplement dit : « J’aime ce que tu fais, et j’ai envie qu’on travaille ensemble. Je fais mon propre rhum et, quand je vends du vrac, j’aimerais que ce soit avec toi. »

Liam pratiquait les arts martiaux et m’a expliqué qu’en combat, il fallait toujours s’associer à quelqu’un pour canaliser son énergie. J’ai trouvé cette philosophie inspirante, et, vu la qualité de ses rhums, j’étais honoré qu’il me propose de collaborer.

C’est ainsi que notre relation a commencé, et avec le temps, elle s’est transformée en une véritable amitié, renforcée par plusieurs visites à Fidji et des échanges constants autour de notre passion commune. Je me souviens encore du jour où je lui ai présenté Planteray Isle of Fiji.

Lorsqu’il l’a goûté, il m’a lancé un sourire et a dit : « We should have done that. » De sa part, c’était plus qu’un compliment. Aujourd’hui, Liam est à la retraite et c’est Michael, Sonneel et Abhinesh qui ont brillamment repris le flambeau. J’ai énormément de respect pour leur travail et pour la relation que nous avons construite ensemble.

rhum fidji ratu

Parlons terroir, comment sont produits les rhums fidjiens ?

Les Fidjiens travaillent leur propre mélasse, qui est 100 % locale, et issue d’une variété de canne complètement folle. N’oublions pas que c’est de là qu’historiquement vient la canne à sucre, du Pacifique. Certaines variétés sont hybrides, car il y a un centre de recherche autour de la canne qui est très pointu, mais d’autres ne le sont pas.

Une de mes préférées, c’est la Mana : elle est très particulière, car elle produit des rejetons jusqu’à 55 ans (ratooning), au lieu de 5 ans pour les cannes classiques. C’est la canne principale utilisée par Rum Co. of Fiji, et il n’y a qu’à Fidji que j’ai vu ça !

La canne à sucre est cultivée par plus de 10 000 fermiers (souvent d’ascendance indienne) qui ont de petites exploitations, et qui vendent ensuite leur production aux sucreries, un peu selon les principes d’une coopérative.

Sur place, la canne est beaucoup récoltée à la main, mais, toujours selon des conditions de travail dignes, d’ailleurs, ils sont labellisés FairTrade, qui témoigne de leur engagement.

Comment se passe la fermentation ?

La fermentation est effectuée à travers des levures indigènes, ainsi que la levure propre à la distillerie. Dans d’autres terroirs, comme en Jamaïque, ils recherchent les esters même lorsqu’ils sont dilués par l’utilisation de la colonne.

Au Demerara, ils maîtrisent parfaitement les alcools supérieurs, travaillent les esters et le côté chocolaté, gingembre… A la Barbade, on aime les deux, et conçoit le rhum comme un millefeuille.

Aux îles Fidji, nous allons rechercher à la fois l’intensité des esters et des alcools supérieurs. Ce n’est pas un rhum tout public, c’est un peu le Islay du rhum en fait. On est choqué ou on adore, mais, dans tous les cas, ça ne laisse pas indifférent. Comme tu imagines, je suis fan !

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Et la distillation ?

Les alambics des îles Fidji ont été réalisés par le légendaire ingénieur de John Dore, David Pym, à qui on doit notamment des appareils utilisés à Long Pond en Jamaïque, à la Stade’s West Indies Rum Distillery à la Barbade, à Sainte-Lucie… Les Fidjiens sont d’abord allés chercher un premier alambic en Nouvelle-Zélande, dans une distillerie de whisky.

Au départ, cela ne fonctionnait pas comme ils le souhaitaient, alors ils ont demandé à David Pym d’intervenir, et quand il a débarqué et il l’a transformé en retort. Ils ont tellement aimé le rhum qui en sortait, qu’ils en ont racheté un deuxième ! En ce qui concerne le vieillissement, à Fidji ils ont une longue tradition d’utilisation des foudres, ils aiment que l’impact du bois reste léger.

Qu’est-ce qui vous plaît autant dans les rhums fidjiens ?

L’aromatique : fruits exotiques, noisettes blanches, chocolat intense, côté animalier légèrement faisandé, beaucoup d’intensité. C’est un peu déroutant au premier abord, mais c’est unique au monde ! À l’aveugle, on reconnaît le rhum fidjien parmi mille autres, et c’est aussi pour ça qu’on adore.


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