Installée sur l’île de Palma depuis quatre générations, la famille Quevedo a donné les clefs à Santiago Bronchales, maître distillateur de renom, qui a su donner une nouvelle impulsion à la maison.
Santiago Bronchales est un homme pressé ! Contacté à maintes reprises par nos soins, il a fini par nous accorder un peu de son temps pour nous parler de son travail au sein de la distillerie Aldea, aux Canaries. Originaire du Pays basque, ce passionné de whiskies formé en Ecosse, élabore des rhums terroirs qui font revivre le passé glorieux de la canne à sucre de ces îles situées dans l’océan Atlantique, au large du Maroc.
Après plus de vingt ans à travailler dans le monde des spiritueux, Santiago Bronchales n’est toujours pas rassasié : « je continue à prendre beaucoup de plaisir sans voir le temps qui passe ! » s’enthousiasme, le sourire aux lèvres, celui qui collabore depuis 2012 avec José Manuel Quevedo, le propriétaire de la distillerie.
Les souvenirs sont vagues, mais il semblerait que les deux hommes se soient rencontrés pour la première fois au cours d’un festival. D’emblée, Santiago tombe sous le charme des rhums de la famille Quevedo. « C’est simple, je n’avais jamais goûté un rhum d’une telle élégance ! » se rappelle-t-il. Dès lors, une amitié se noue et la volonté de travailler de concert prend forme.
Le choix du rhum pur jus de canne
La distillerie Aldea est située sur l’île de La Palma où la famille Quevedo tente de faire perdurer la tradition d’un rhum issu d’un pur jus de canne. « C’est ce qui fait la force et l’identité des rhums de l’île », rappelle Santiago qui a souhaité conserver les fondamentaux de la maison.
José Manuel et sa sœur Maria Jésus Quevedo incarnent avec brio la 4ème génération d’une famille, qui au cours de son histoire à beaucoup voyagé à travers la planète. A l’origine de la création de la distillerie en 1936, on retrouve Don Manuel Quevedo Aleman (1872-1968). En avance sur son temps, il fût le premier parmi ses concurrents à faire le choix de la distillation directe du jus de canne à sucre, afin de mettre en avant le savoir-faire espagnol.
Malgré une législation plus laxiste qu’en France, la famille Quevedo continue de se fixer une ligne de conduite stricte sur la qualité de ses rhums. « Les Espagnols aiment et consomment des rhums ronds et suaves du style Barcelo (rhum dominicain).
Avec José Manuel, nous voulons au contraire apporter plus de puissance et de profondeur dans les rhums » précise Santiago qui fourmille de projets. Les rhums étant distillés au feu de bois dans de vieux alambics de type Egrot.
Un whisky 100¨% canarie et bientôt un single cask vintage 1991
De par sa situation au large des côtes africaines, l’île de la Palma bénéficie du climat le plus frais de l’archipel. La canne d’altitude y est plantée en terrasse. Ce qui plaît par-dessus tout à Santiago au sein de la distillerie Aldea c’est la confiance totale que lui accorde la famille Quevedo. Amoureux des whiskies (une préférence pour les highlands écossais) il a d’ailleurs donné naissance à un whisky 100 % canarie. « Je voulais rendre hommage au gofio, se souvient Santiago.
Cette farine de blé, type de l’île, est une denrée que les Espagnols chérissent. Ma passion pour le whisky a fait le reste. Je suis parvenu à convaincre José Manuel, et ensemble nous avons donné naissance à Diablo. » Le résultat est surprenant, à l’aveugle le sentiment de goûter un rye whisky prend le dessus, l’élevage n’est pas trop marqué. Une belle réussite. La gamme se compose de plusieurs rhums blanc, un Blanco à 38%, un Single Cane à 43%, ainsi qu’un blanc bio à 53% issue des champs de la famille Quevedo, propriétaire d’Aldea.
Parmi les rhums vieillis, on trouve le Dorado (38%), le 8 ans (40%), le Tradicion une série de rhums millésimés (l’actuel étant 1997) à 43%. Aldea commercialise aussi un rhum au miel, ainsi que la gamme Aborigen (des rhums mélangés). La prochaine étape pour Aldea ? « Il me tarde de lancer le single cask vintage 1991, un rhum 100 % agricole avec un puissant caractère et des esters à foison (composantes aromatiques qui naissent lors de la fermentation).
Seulement 200 bouteilles seront commercialisées pour cette édition” précise Santiago qui s’empresse de raccrocher appeler en urgence par ses équipes pour gérer un problème survenu à la distillerie !
Le ronmiel
Les Canaries ont même leur propre spécialité à base de rhum, reconnue par une Indication Géographique : le « ronmiel de Canarias ». On en produit plus d’un million et demi de litres par an (à mettre en perspective avec les 2 millions d’habitants de l’archipel) mais seuls quelques dizaines de milliers de litres sont exportés directement, le reste dans les valises des touristes bien évidemment.
Il s’agit d’un mélange de rhum, de jus de canne ou bien de mélasse, auquel on ajoute un sirop à base de miel et parfois de plantes : la liqueur finale doit contenir au moins 2% de miel et titre entre 20 et 30% vol. Ce n’est alors pas une surprise de trouver des distilleries de rhum sur l’archipel, équipées parfois d’ancestrales petites colonnes en cuivre.
Extrait du livre 151 Rhums, d’Alexandre Vingtier.