Renaissance : un Rhum taiwanais qui se déguste comme un grand vin !

Avec comme modèle le château Valendreau à Saint-Emilion, Olivier Caen et Linya Chiou ont su créer un rhum de terroir à Taiwan.

Renaissance Rum

Après avoir vécu une première vie intense dans le monde de l’automobile, Olivier Caen et Linya Chiou décident de s’installer sur l’île de Taiwan en 2006 pour créer une société d’import de vins et de spiritueux. Passionné par les grands bordeaux qui se patinent avec le temps, Olivier Caen compte parmi ses clients le vigneron visionnaire Jean-Luc Thuenevin.

Parti de rien, ce touche-à-tout (il fut bucheron, employé de banque, ou encore négociant) est parvenu avec sa femme Murielle Andraud (vigneronne émérite) à hisser le Château Valendraud au rang suprême de premier grand cru classé de Saint-Emilion.

Admiratif du parcours du couple, Olivier veut marcher dans ses pas, mais sans se précipiter. « Avant le lancement officiel de Renaissance en 2017, nous avons pris soin de réaliser quatre années de test en préproduction, avec une mélasse et un pur jus de canne indigène », raconte-t-il.

Renaissance Rum

Car sur l’île de Taiwan, souvent comparée à la forme allongée d’une patate douce, la canne à sucre se cultive depuis des siècles et il est possible d’élaborer les deux types de rhum. En effet, pendant l’occupation nipponne (1895-1945) à défaut de vouloir développer l’économie du rhum, les Japonais ont fait le choix d’exporter la canne à sucre.

Aujourd’hui, il ne reste que trois sucreries dans le sud de l’île, et sont toutes déficitaires. Ce qui explique aujourd’hui en partie, le retard pris, sur les pays producteurs situés dans les Caraïbes où aux Amériques. Olivier Caen et Linya Chiou, sont à ce jour les seuls producteurs de Rhum artisanal sur l’île.

Renaissance Rum

Le haut de gamme sinon rien

Dès l’inauguration de leur distillerie en 2017, le couple a souhaité se positionner sur un segment haut-de gamme pour montrer que la canne à sucre et le climat tropical taiwanais pouvaient donner naissance à des rhums d’exception.

Jointe par téléphone, Li Linya Chiou confirme cette volonté de vouloir produire une clientèle avertie : « Nous n’avons aucune ambition de volume de production car nous souhaitons produire des rhums ‘haute couture’ a l’image des grands noms de la bourgogne viticole. Produire plus, nécessite toujours un compromis sur la qualité ce que nous refusons. Nous prônons la transparence. Chaque consommateur a le droit de savoir ce qu’il boit et de connaître le process de production associé. Tout est indiqué sur notre contre-étiquette. », revendique-t-elle.

Renaissance Rum

Le projet du couple paraissait sur le papier ambitieux car les Taiwanais ne consomment pas du tout ou très peu de Rhum. « En revanche, souligne Linya Chiou, Taiwan, est le premier pays consommateur au monde de Whisky en valeur. Les habitants possèdent un palais affuté et amateur d’alcools ambrés haut de gamme. »

Mais rentrons dans le vif du sujet, que propose Renaissance pour épater l’amateur ou l’amatrice de Rhum ? « Contrairement à de nombreuses maisons, nous proposons uniquement des single cask afin de mettre avant les propriétés uniques de nos cannes à sucre, précise Linya. Il est important de préciser qu’aucun ajout de sucre, ni de colorant n’est prescrit au cours de la fabrication. »

Une précision d’importance, car malgré un décret récent qui définit le rhum européen, les législations en Asie où aux Amériques restent floues. Pour pallier ce manque de transparence, Linya et Olivier ont souhaité jouer la carte de l’honnêteté.

« Notre distillerie possède un cahier des charges très stricte de la production a la vente. Ainsi nous refusons systématiquement toute proposition d’embouteillage indépendant ou de maturation dans un pays autre que Taiwan s’il n’est pas fait pas notre distillerie. Nous produisons, fermentons, distillons et embouteillons-nous même 100 % de notre production. »

Renaissance Rum
Quelques secrets de fabrication

Le couple a accepté de le lever le voile sur quelques-uns de ses secrets de fabrication. Deux variétés sont utilisées F10 et F16, alors que plus de quatre-cents variétés endémiques de canne-à sucre et dont le nom de chaque espèce commence par la lettre F pour Formose (nom donné à l’île par les Portugais lors de leur débarquement en 1542), sont disponibles. Lors de l’élaboration du rhum de mélasse la durée de fermentation va de 10 jours au minimum a plus de 20 jours.

Pour le jus de canne de première presse, la durée de fermentation varie : 15 jours en moyenne en 2021, mais 22 jours en moyenne pour le millésime 2015. « La durée de fermentation dépend fondamentalement du Brix, qui varie en fonction du caractère du millésime, développe Linya Chiou. Ainsi il y a des millésimes chauds et concentrés comme en 2015 ou bien pluvieux et plus froid comme en 2016 doté d’un Brix moyen de 22. Comme dans le monde du vin chaque millésime possède sa personnalité. La non-adjonction d’eau pour les fermentations rend la distillation plus précise et met en valeur le caractère si particulier d’un millésime. »

Un grand millésime rendra la seconde distillation plus large, le spectre de coupe de distillation étant plus étendue. Les cognaçais connaissent bien ce phénomène, les coupes étant plus basses en Grande Champagne que sur les autres appellations comme les fins bois, bons bois ou bois ordinaires.

Renaissance Rum

« Cette règle est selon moi adaptable aux alcools pilotes en double distillation : pour un distillat de qualité classique, la coupe sera courte, analyse Linya Chiou. A contrario, les grands distillats issus des meilleurs terroirs ont cette allonge durant la distillation. Les fins de cœur de chauffe apportent les huiles nécessaires à une maturation longue. Un distillat en coupe courte de type “Middle Fifth 75-65 %” sera plus net à la distillation mais moins adapte à un long élevage en fut. »

Une part des anges de 14%.

Concernant le vieillissement, la température du chai varie de 10 à 35 degrés Celsius, pour une hydrométrie allant de 60 à 75%, tandis que la part des anges atteint 14 %. Plusieurs méthodes sont utilisées. Les rhums peuvent élevés en fut neuf (Limousin ou chêne américain) puis transférés en futs de vin.

Ou être élevés en fut de vin puis transférés en fut neuf comme pour le Mizunara finish par exemple. Les durées de finition dépendent essentiellement du caractère du fût de vin. Un fut de vin rouge sec demandera du temps pour s’intégrer harmonieusement, mais on peut en dire autant d’un fut d’Amarone qui lui n’est pas sec.

Renaissance Rum

Les futs de vins rouges étant selon Linya Chiou, beaucoup plus techniques à travailler en comparaison aux barriques de blancs liquoreux ou non. Car le côté fruits rouges et fruits noirs met du temps à disparaitre pour laisser place à des fruits compotés. « Nous ne recherchons pas la superposition des arômes mais leur intégration dans le rhum, explique-t-elle. Les meilleurs rhums doivent être capable d’évoluer dans le verre et élever votre palais. Les finitions ne sont qu’une facette de ce que nous produisons. De nombreux projets sont actuellement en maturation dans notre chai. »

Parmi les nouveautés que propose Renaissance cette année retenons le Pinot rouge finish : « Un rhum âgé de trois ans à base de mélasse et élaboré en fermentation longue. La distillation s’effectue au moyen d’un petit alambic charentais de 1200 litres de manière discontinue en double distillation. Aucune eau n’est ajoutée à la mise en fut ni à l’embouteillage. Nous tenons à préserver la concentration, les arômes ainsi que la complexité du rhum, conclut Linya, nous produisons du Rhum et rien d’autre ! »

Share This