Breiz’île : le pionnier du rhum arrangé en métropole garde le cap

En 20 ans, Alain Jegaden est parvenu à se faire une place de choix sur le marché des rhums arrangés. Plus que jamais à la tête de Breiz’île, il entrevoit l’avenir avec sérénité.

Breizh’île

L’homme qui nous reçoit dans son bureau situé aux portes de Brest (Finistère) est d’une gentillesse réconfortante. Celle qui vous permet d’emblée de vous sentir à l’aise avec votre interlocuteur. La mémoire précise et l’esprit vif, Alain Jegaden, pionnier sur le marché du rhum arrangé, retrace sans sourciller 20 ans d’une vie professionnelle déjà bien remplie.

Natif de Versailles, ce globe-trotter invétéré est toujours revenu poser ses valises en Bretagne, une région qu’il chérit depuis son enfance. « Malgré mes nombreux voyages à travers la planète, ce sont les paysages qu’offre la Bretagne qui m’émeuvent le plus », confie-t-il. En 20 ans, Breiz’île s’est développée à son rythme sans se précipiter.

De la restauration, au rhum arrangé

À l’origine de cette aventure complètement folle, une histoire d’amitié scellée autour des voyages et de la gastronomie. En compagnie de Ronan et Olivier, tous les deux cuisiniers de formation, il décide en 1997 d’ouvrir un restaurant en Guadeloupe baptisé Les ‘Enfants de la Côte’. « Nous souhaitions proposer une cuisine fraîche de marché où le poisson était la star » se souvient notre volubile hôte.

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Le succès est immédiat et les services s’enchaînent. Alain au contraire de ses deux comparses n’a aucune formation de chef : « j’ai tout appris sur le tas. Comment lever un poisson, la maîtrise des cuissons, je me suis impliqué à deux cents pour cent dans cette aventure », raconte-t-il. Un changement de vie radical pour ce diplômé de l’école nationale de l’industrie laitière.

Avec un restaurant qui affiche complet à chaque service, les trois associés décident d’ouvrir une seconde affaire en métropole à Camaret (Finistère) juste avant les terribles attentats du 11 septembre 2001. Alain décide de rester en Bretagne avec femme et enfants pour travailler une partie de l’année dans le restaurant, pendant que Ronan et Olivier sont en Guadeloupe. Les rôles sont établis et malgré la cadence effrénée des horaires (restaurant ouvert 7/7) les nerfs tiennent et les affaires fonctionnent.

Et le rhum dans tout ça ? Vous n’allez pas le croire, mais pendant ses années étudiantes Alain n’avait aucune appétence pour le rhum et l’alcool en général. « La première fois que j’ai mis les pieds en Guadeloupe à la fin des années 1990, j’ai été gêné par la puissance des rhums arrangés que buvaient les locaux ! Ça ne convenait pas à mon palais, j’étais à la recherche de plus de finesse et d’une teneur en alcool plus basse », explique celui qui est aujourd’hui à la tête de 9 salariés.

Breizh’île

L’idée d’élaborer ses propres rhums arrangés, plus à son goût, commence toutefois à faire son chemin. Il faudra attendre cinq ans et de nombreux essais pour que le premier assemblage Breiz’île voie le jour. « À l’origine, ces rhums arrangés étaient proposés uniquement aux clients de notre établissement de Camaret, se souvient Alain Jegaden. Pour la Guadeloupe, l’idée même de les proposer ne nous est même pas venue à l’esprit. Allez demander à un Antillais de se lancer dans le kouign-amann en Bretagne… Pas sûr que cela marche ! »

De 450 à 300 000 bouteilles

En vingt ans, la production des rhums arrangés est passée de 450 à 300 000 bouteilles… toutes faites à la main, le processus d’un rhum arrangé Breiz’Île nécessitant pas moins de 21 manipulations : découpe des fruits, insertion des morceaux dans la bouteille, remplissage avec du rhum de Martinique l’origine préférée d’Alain (et parfois aussi de Guadeloupe)…

Les parfums proposés se sont également diversifiés, Breiz’île sort chaque année des nouveautés avec parfois des ratés comme le pomme pruneau, association audacieuse qui n’a pas su trouver son public. Sans surprise, les best-sellers restent les parfums qui rappellent le voyage et l’exotisme (ananas, mangue ou passion).

Breizh’île

Breiz’île c’est avant tout un nom qui claque et interpelle le consommateur. « Nous l’avons trouvé assez facilement », se souvient Alain poursuivant son récit avec passion. « À l’origine, le nom Breiz’île, définissait une sauce pour agrémenter un plat de poisson que nous servions dans notre restaurant situé près du port de Saint-François (Guadeloupe). Cette trouvaille sonnait comme un trait d’union entre nos deux maisons. » Après avoir trouvé un nom, tout était à construire.

Ses amis associés occupés aux fourneaux, Alain se mue en fin logisticien et crée l’entreprise en 2002. « Il fallait voir la tête des douaniers quand vous leur parliez de rhum arrangé à l’époque, ils n’y connaissaient rien ! » C’est dans l’arrière-cuisine que le jeune entrepreneur peaufine ses recettes.

En juillet 2002, la première production (450 bouteilles) de Breiz’île est un tube qui se vend en un été ! Surpris par cet accueil chaleureux, Alain Jegaden se prend au jeu et décide d’augmenter la cadence : « Le restaurant est devenu mon nouveau laboratoire, j’étais dans une démarche artisanale totale. À ce stade, il n’y avait aucune ambition d’aller plus loin », se remémore l’homme qui est aujourd’hui seul à la tête de son entreprise.

Breizh’île

Le bouche-à-oreille prend et avec sa « Seat Ibiza », il parcourt la Bretagne du Nord au Sud pour aller à la rencontre de ses futurs clients. Le rituel était toujours le même. Alain Jegaden prenait le soin de se garer non loin d’un caviste ou d’une épicerie fine « Le premier qui se présentait à moi » et il demandait poliment si le prospect était intéressé par ses rhums. « J’ai fonctionné comme ça pendant huit ans. Je démarchais et décrochais de nouveaux clients tout en continuant de produire les rhums dans la cuisine de mon restaurant », se souvient-il un brin nostalgique.

27 recettes

Le succès de Breiz’île réside avant tout dans la qualité du produit. 27 parfums variés avec des fruits sélectionnés par le groupe Lesaint (leader de fruits et légumes en circuit court). À la dégustation de la version ananas citron (23%) le charme opère instantanément. L’association des deux fruits est harmonieuse, on oublie l’alcool et la texture de bouche vient caresser chaleureusement le palais. Une réussite totale.

Breizh’île

Si Alain Jegaden parle peu de ses associés, c’est qu’il a racheté ces dernières années les parts de ses amis d’enfance. Une suite logique pour celui qui a investi tout son temps et son argent dans cette entreprise. Aujourd’hui L’arrière-cuisine a laissé place à un local de 450m2 tandis que l’année 2021 a battu tous les records avec 300 000 bouteilles, pour un chiffre d’affaires à sept chiffres.

En vingt ans d’existence, la petite entreprise d’Alain Jegaden est passée d’un métier considéré comme folklorique par ses proches, à idyllique au regard des consommateurs. Approché à plusieurs reprises par des entreprises cherchant à le racheter, Alain Jegaden préfère continuer l’aventure seul à la barre de son navire.

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